lundi 16 septembre 2013

Prédication à Notre-Dame du Vorbourg

Homélie
Croire en Dieu qui bouleverse

KKK.
Vous vous souvenez peut-être de ce slogan brandi au moment du débat sur le vote des femmes. Pour certains, ces « chères moitiés », comme on osait les nommer parfois, devaient être confinées à la cuisine, à l’église et auprès des enfants –Kinder, Küche, Kirche-. Je devine qu’on en a moins parlé de cette manière dans le Jura parce que c’est une région plutôt progressiste sur ce point et aussi parce que le slogan était…en allemand !

Marie de Nazareth était sans doute une bonne ménagère. Elle s’est occupé et même préoccupé de son fils Jésus et a pris  part à la prière de la synagogue, mais attention : dans le carré réservé aux femmes !
Mais ne comptez pas sur elle pour être une gentille dame biblique qui se contenterait de tricoter au coin du feu pour meubler ses rares loisirs de sainte femme au foyer.

Son chant –le Magnificat- témoigne d’une toute autre personnalité, qui a de quoi nous déconcerter si l’on s’en tient aux images pieuses qui la montrent filant la laine, tête baissée, dans son humilité.
Avez-vous lu le Magnificat jusqu’au bout ? Marie y célèbre un Dieu qui déploie la force de son bras, qui disperse les superbes, qui renverse les puissants de leurs trônes, qui renvoie les riches les mains vides. Il y a de quoi faire une révolution avec ce Dieu-là !
Heureusement, il y a aussi le contrechant positif. L’amour de Dieu s’étend sur ceux qui le craignent, Dieu élève les humbles, il comble de biens les affamés, il se souvient de son amour.

N’empêche que le Dieu de Marie dans son hymne de louange est plutôt bouleversant. Surprenant serait peut-être trop dire. Car on reconnaît dans ces expressions musclées le message courageux des prophètes du premier testament qui osaient appliquer la Parole de Dieu comme une épée tranchante dans la situation réelle de la société et de la religion de leur temps. Face à la léthargie du peuple, aux compromissions des dirigeants politiques et religieux, à l’infidélité régnant un peu partout, ils ne craignaient pas de sonner le réveil, de dénoncer les hypocrisies, d’appeler et rappeler à la sainteté. Notamment dans le domaine de la justice sociale, de l’attention aux plus pauvres, par une religion des actes et non pas des seules paroles.
Cela peut nous paraître étonnant que Marie de Nazareth, la petite servante du Seigneur comme elle se définit elle-même, se situe clairement dans la ligne de ces prophètes très vaillants quand ils parlent de leur Dieu et rappellent à leur peuple les exigences à la fois de sa justice et de son amour.

Qu’est-ce à dire pour nous aujourd’hui, dans notre environnement religieux et social ?
Pas besoin de faire un dessin : pour être chrétien, à l’image de notre mère Marie, il nous faut aussi beaucoup de courage.
D’abord le courage de la foi elle-même. Toutes les enquêtes le soulignent : les croyants qui osent le dire parce qu’ils le sont -certes toujours imparfaitement- deviennent de moins en moins nombreux, surtout parmi les nouvelles générations. Il nous faut donc demander la grâce d’une certaine bravoure spirituelle.
Oui, comme Marie, avec Marie, avoir l’humble audace, non seulement de penser en secret, mais d’exprimer à haute voix : Mon âme exalte le Seigneur, parce que j’y crois. Le Puissant continue de faire des merveilles, c’est pourquoi je le prie, je le chante. Son nom est saint, donc je l’adore. Il se souvient de son amour, donc je suis heureux d’écouter ses tendres confidences dans sa Parole.
Et je n’ai pas à me gêner de partager –humblement, respectueusement, mais aussi clairement- la chance de croire en lui, le bonheur d’espérer en ses promesses, la joie de ressentir son amour, et de l’aimer en retour.
Une telle vie religieuse, dans la communion de l’Eglise, peut paraître dépassée, voire ringarde, aux yeux des autres, et parfois de ceux qui nous entourent. Peu importe. Quand la foi est sincère, elle ne cherche pas d’autres approbations que celles de la paix que le Christ fait régner dans nos coeurs habités et dans notre conscience sereine.

Mais c’est à ce moment-là qu’il nous faut chanter, ou plutôt mettre en pratique, la deuxième partie du Magnificat. Notre foi doit aussi avoir un deuxième courage, celui de nous mettre au  service de l’humanité en souffrance, victime de l’injustice, de la violence ou du mépris.
 Si nous nous enfermons dans la religion pour ne pas voir ce monde tel qu’il est, nous sommes des croyants aveugles, nous ne pouvons pas être des témoins crédibles.
Si nous refusons de nous engager concrètement, chacun selon ses possibilités variables, pour améliorer la condition humaine, nous disons aimer Dieu sans aimer notre prochain.
Si notre vie spirituelle devient l’opium du peuple, alors nous ne sommes pas les enfants du Magnificat de Marie, car sa foi en nous doit nous donner des ailes pour nous investir aux côtés des pauvres, des petits, des marginaux si souvent oubliés ou méprisés. C’est ainsi que la Parole de Dieu habitera en nous dans toute sa richesse.

Le Dieu de Marie, que son fils Jésus annoncera bientôt avec force jusqu’à la fidélité qui le mènera à la croix, fait de nous des religieux sincères et des révolutionnaires par amour.
 Cet amour dont l’apôtre Paul ne cesse de répéter aux Colossiens qu’il est tendre, doux, patient et humble mais aussi fort jusqu’au pardon, joyeux dans de libres louanges mais aussi capable de former un seul corps, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

A nous de jouer maintenant ! Pour gagner par l’amour !


                                               Claude Ducarroz

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