jeudi 14 août 2014

Homélie de l'Assomption de Marie

Assomption 2014

Le corps. Notre corps humain. C’est le bon moment d’en parler. Je ne dis pas cela parce que les corps s’étalent avec complaisance dans presque toutes les publicités, y compris celles qui n’ont rien à voir avec le corps. Pas non plus parce que, à la faveur de l’été, fût-il pluvieux, beaucoup de personnes, jeunes et même moins jeunes, confondent la plage et la rue. Non.

Quitte à vous étonner, c’est la fête de ce jour –l’Assomption de Marie- qui me ramène au corps. Car le corps est bel et bien au cœur de cette célébration, comme vient de le rappeler l’oraison de cette messe : « Dieu qui as fait monter la Vierge Marie jusqu’à la gloire du ciel, avec son âme et son corps… »
Ainsi donc nous confessons qu’à la suite de Jésus ressuscité, le corps, en l’occurrence le corps d’une femme –Marie de Nazareth-, est désormais pleinement immergé dans la gloire de Dieu, par un mystère d’assomption qui a respecté entièrement son humanité, y compris sa dimension physique.
La corporéité, et pas seulement la spiritualité, est dès lors associée à la divinité en toute transparence. C’est finalement une belle aventure qui commença dans le mystère de la création, en passant par l’incarnation, pour aboutir finalement à la transfiguration « corps et âme » en Marie. Et un jour aussi en nous.

« Dieu les créa à son image, comme homme et femme, il les créa », raconte le premier livre de la Bible, à savoir dans la complémentarité des sexes et la fécondité de leur amour. C’est aussi par notre corps –nos corps différents- que nous existons à la ressemblance de Dieu- Trinité. Il y a donc du sacré et même du divin, en beauté et en générosité, dans nos personnalités humaines, y compris quand elles s’expriment dans les multiples facettes des formes, des sens et des gestes corporels. Tant d’artistes ont exprimé cela, notamment dans la figure de Marie, que ce soit dans les fascinantes splendeurs de sa féminité ou dans les émouvantes candeurs de sa maternité.

Bien sûr, il y eut le péché. Il y a le péché, qui est trop souvent cette corruption du meilleur par le pire. N’empêche que le salut n’est pas venu mépriser le corps sous prétexte de le sauver, comme s’il fallait l’écraser avant de le relever. Le Sauveur, c’est le Verbe fait chair, et en passant par le sein d’une femme pleinement respectée : « Le fruit de tes entrailles est béni », dit Elisabeth à Marie. Et cette femme dans la foule qui dit à Jésus : « Heureuse la mère qui t’a porté dans son ventre et qui t’a nourri de son lait ! » Littéralement : « Les seins que tu as sucés. »

Le salut apporté par Jésus, le fils de Dieu fait homme, touche et transfigure tout l’humain, comme on le voit surtout dans le mystère de la résurrection de la chair pour Jésus le premier né d’entre les morts, comme on le constate aussi aujourd’hui dans la contemplation de l’assomption de Marie, en son âme et en son corps.  Sans compter que chacun de nous est un « promis à la résurrection », à la suite de Jésus et comme Marie, la première arrivée toute entière dans le soleil pascal.

Tous les sacrements, qui agissent tous quelque part par un geste corporel, viennent nous rappeler le beau mystère de l’incarnation. Mais celui que nous allons recevoir bientôt, à l’invitation de l’Eglise, est particulièrement significatif. Que se passe-t-il quand nous tendons la main humblement pour recevoir la communion eucharistique ? Nous accueillons avec foi dans notre corps le corps du Christ ressuscité, celui qu’il a reçu lui-même de sa mère Marie. Et dans ce corps à corps mystique mais réel, nous devenons un peu plus le corps communautaire de Jésus qu’on appelle l’Eglise. Dont Marie est la mère.
Aucune distance, aucun mépris, aucun rejet : le corps est partout, dans la création restaurée, dans la Pâque transfigurée, dans l’eucharistie nourrissante, dans l’Eglise mère porteuse de toutes ces communions. Avec Marie, comme Marie.

Bien sûr, comme fils de Dieu créateur, comme frères bénis de Jésus, comme enfants chéris de Marie, puisque Jésus nous l’a donnée pour mère du haut de sa croix et aujourd’hui du sein de sa gloire : nous avons une belle et difficile mission : croire plus que les autres à la dignité et à la beauté des corps, lutter sans cesse pour le respect absolu de ces icônes de Dieu si souvent manipulées, méprisées, vendues, blessées et même tuées dans notre société violente qui marchandise toutes choses, y compris les corps humains.


 Et peut-être, aujourd’hui plus que jamais, à travers l’eucharistie mais aussi par la tendre fréquentation de Marie, la glorieuse en tout son être : retrouver la joie des corps faits pour l’amour, le partage, les relations, la compassion, la solidarité, l’art, la prière…en attendant la résurrection. 

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