samedi 14 mars 2015

Homélie 4ème dim. de Carême

Homélie 4ème dim. Carême 2015

J’aime ce mot. Encore faut-il prendre le temps d’explorer tout ce qu’il contient. Ce mot, c’est « miséricorde ». Saint Paul vient de nous rappeler que Dieu est « riche en miséricorde ».

Il y a deux mots dans ce mot : d’abord la misère, la pauvreté, les nôtres évidemment. Et puis le cœur, celui de Dieu qui rejoint nos misères pour en faire autre chose « à cause du grand amour dont il nous a aimés dans le Christ », ajoute saint Paul.

Pour les misères, pas besoin de faire un dessin. Nous ne les connaissons que trop, par expérience personnelle ou communautaire, en examinant sincèrement notre conscience ou en observant l’état du monde qui nous entoure. L’apôtre Paul –encore lui- n’y va pas par quatre chemins : « Nous étions des morts par suite de nos fautes. »

Et c’est à ce moment-là qu’éclate un cœur, autrement dit un immense amour, qui va tout transfigurer. L’évangile nous en donne une icône en spectacle : « Un des soldats avec sa lance perça le côté de Jésus ; et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. » Et juste après : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. »
Tout est dit dans ce silence, tout est montré et démontré dans cette exposition d’un coeur. Car là « Dieu a voulu montrer la richesse surabondante de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. » 

Le cœur de Dieu qui bat dans la poitrine de Jésus s’est laissé ouvrir pour une opération de résurrection « à cœur ouvert », une véritable transfusion de vie entre Dieu et nous.
Au pied de la croix, il y avait de tout, entre la Vierge Marie et Marie-Madeleine, entre les deux larrons et les soldats moqueurs. C’est dire qu’il y a aussi de la place pour nous, qui que nous soyons. C’est sur eux et sur nous que sont tombés du haut du côté transpercé l’eau qui purifie, le sang qui fortifie. Par la porte du côté ouvert, nous sommes entrés en Dieu. Et là son amour a brûlé nos péchés, dévoré nos fautes, digéré nos misères. Totalement, gratuitement. Miséricordieusement.

Encore faut-il montrer, nous, une double audace.

D’abord l’humble audace de reconnaître notre péché pour dire et redire que nous avons besoin, nous aussi et comme les autres, de cette miséricorde qui donne la vie pascale.
Le cœur du Christ est toujours ouvert, certes, parce qu’il ne peut cesser d’aimer, de nous aimer. Mais il ne force personne à entrer. Il nous redit : « Venez à moi, vous qui peinez sous le poids du fardeau.., car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos pour votre âme. » Et ailleurs : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. »

Entrer par la porte de la miséricorde –toujours ouverte-, ou ouvrir au Christ qui frappe à la porte de notre cœur contrit: peu importe. L’important, c’est qu’il y ait contact, rencontre, partage d’intimité.

C’est ce qui s’est passé sur la croix pour celui qu’on appelle le bon larron. Il a frappé à la porte de Jésus par cette prière toute d’humilité, après avoir reconnu sa responsabilité dans le mal : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume. » Et la réponse de la miséricorde a aussitôt submergé toute sa misère, qui était pourtant très grande : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. »
Oui, reconnaître nos misères et  les transformer en appel à la miséricorde de Dieu : c’est ça la démarche de conversion durant ce carême. Y compris dans le sacrement de la réconciliation.

Et puis une deuxième audace, celle que nous indique encore l’apôtre Paul : « Dieu nous a recréés dans le Christ Jésus en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions. »
Quelles œuvres ? Eh ! bien justement celles de la miséricorde puisque nous devons être miséricordieux à l’égard des autres comme notre Père est miséricordieux à notre égard.

Comment voulez-vous que le  monde aille mieux, comment voulez-vous que l’Eglise soit plus évangélique si nous ne devenons pas davantage « miséricordieux » ? Autrement dit ouvrir plus largement notre cœur, l’attendrir par des mouvements de tendresse, oser aller jusqu’au pardon avec la force de l’Esprit de Jésus.
Oui, risquer franchement la miséricorde dans les relations de couples et de familles, dans les péripéties du voisinage ou du travail, et jusque dans l’ambiance de nos communautés chrétiennes qui doivent être des modèles de pratique de la miséricorde si elles veulent donner le témoignage de la joie de croire, du bonheur d’aimer, à la manière de Jésus.

« Dieu a tellement aimé le monde, dit Jésus à Nicodème, qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit obtienne la vie éternelle. »

Recourir avec confiance à la miséricorde de Dieu et oser la miséricorde dans nos relations humaines, c’est peut-être cela passer déjà de la mort à la vie, vivre comme des promis à la résurrection.

Autrement dit être plus heureux en faisant des heureux.

Claude Ducarroz


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