samedi 15 août 2015

Assomption de Marie

Assomption 2015

Et de onze ! Oui, c’est la onzième fois de suite que je préside la messe de l’Assomption de Marie dans cette cathédrale, avec, évidemment, l’homélie qui fait partie du programme. Je me suis donc demandé ce que j’allais pouvoir dire encore, sans trop me répéter, sur le mystère marial qui nous rassemble aujourd’hui.

Je me suis souvenu de la remarque du révérend doyen de mon enfance, lui qui nous affirmait en latin : « De Maria numquam satis », ce qu’on peut traduire  « Au sujet de Marie, on n’en dira jamais assez », autrement dit « jamais trop ».

Et puis le concile Vatican II a passé par là, qui déclare avec sagesse : « L’Eglise catholique exhorte vivement les théologiens et ceux qui portent la parole de Dieu, à s’abstenir avec le plus grand soin, quand la dignité unique de la Mère de Dieu est en cause, à la fois de tout excès contraire à la vérité et non moins d’une étroitesse  injustifiée…. Que les fidèles se souviennent qu’une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité pas plus que dans une vaine crédulité ; la vraie dévotion procède de la vraie foi. »

La vraie foi ! Et nous voilà renvoyés à la révélation biblique qui nous parle de Marie. Concrètement, à l’évangile de cette fête, à savoir le récit de la visitation de Marie à sa cousine Elisabeth.

Qui est Marie pour Elisabeth ? Elle le dit clairement : « Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. »

Marie est d’abord saluée comme une femme, certes bénie, mais au milieu des autres femmes, de toutes les femmes. Pourquoi donc a-t-on placé si souvent Marie au dessus de tout, au dessus de toutes, au point d’en faire une vierge-mère hors sol ?

N’est-elle pas d’abord la petite servante de Nazareth, comme elle se définit elle-même, sans prétention, mais sans honte non plus ? Parce que, dans son cantique d’action de grâces – le Magnificat-,  elle exalte le Seigneur pour les merveilles qu’il a accomplies en elle, mais c’est encore au titre de l’humble servante qu’elle est demeurée tout au long de son existence, y compris dans le mystère de son assomption.

On doit évidemment ajouter à cela sa maternité, qu’Elisabeth reconnaît en la nommant « mère de mon Seigneur », tout en soulignant, d’une manière très réaliste, que cet enfant est bel et bien « le fruit de ses entrailles ».

Femme et mère : j’espère que les femmes parmi nous, sans tomber dans un féminisme échevelé, savent encore se reconnaître en Marie de Nazareth, sans oublier l’admiration, le respect et la reconnaissance que les hommes doivent à l’une – Marie- … et à toutes les autres.

Marie, femme et mère. Et puis la croyante, la première chrétienne, « celle qui a cru en l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». Car c’est ça, être chrétien. C’est entendre, normalement grâce à l’Eglise, une parole venue vers nous de la part du Seigneur, une parole qui éclaire notre vie et transfigure notre mort.

Une bonne nouvelle pascale, capable de faire des merveilles en celles et ceux qui, comme Marie, l’accueillent en leur cœur par la foi. Un évangile destiné à être mis en pratique dans nos relations de tous les jours, qui transforme toutes nos visites humaines en divines visitations, parce que le Seigneur est présent chaque fois que l’amour est à la base de nos rencontres, même les plus banales d’apparence.

Dans le mystère de l’assomption de Marie, ce sont tous ces rendez-vous d’amour, de la crèche à la croix, qui sont assumés et finalement récompensés dans la communion finale avec le Dieu-Amour. Or nous aussi, nous sommes attendus dans le Royaume de Dieu, comme Marie et avec Marie, pour une dernière et parfaite merveille : Dieu tout en tous, Dieu tout en nous !

Très bien, me direz-vous. Mais en attendant, il faut bien vivre, tant bien que mal, les pieds sur terre, en ce monde tel qu’il est. Là encore l’évangile de cette fête nous donne une feuille de route. C’est même Marie elle-même, dans son cantique, qui nous montre la voie, et très concrètement.

Quelles sont ces merveilles qui soulèvent sa louange, autrement dit ce que Dieu a réalisé en elle et qu’il souhaite voir réaliser en nous et par nous, que ce soit personnellement ou en Eglise, le nouvel Israël ?

Ce n’est pas déraper dans la basse politique, mais c’est promouvoir un nouvel humanisme que de les rappeler. Il y a une façon mariale d’être au monde sans être du monde, comme le désirait Jésus pour ses amis en priant pour eux la veille de sa mort.

C’est se mettre au service de Celui qui « étend sa miséricorde sur ceux qui le craignent, qui disperse les superbes en déployant la force de son bras, qui renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles, qui comble de biens les affamés en renvoyant les riches les mains vides, qui se souvient toujours de son amour. »

Autant dire, dans le monde où nous vivons, que le programme marial du Magnificat est encore loin d’être appliqué, même dans l’Eglise. Marie, sur les nuages de l’assomption où certains la placent, ne doit pas nous faire oublier notre vocation terrestre qu’elle résumait ainsi aux noces de Cana : « Faites tout ce que Jésus vous dira. » Finalement, il nous dit à nous les mêmes choses qu’à elle : « Heureux celles et ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. »

Si l’on veut un jour rejoindre Marie dans sa gloire pascale reçue de Jésus ressuscité,  nous savons maintenant par où commencer et comment continuer, en attendant la même assomption espérée.


Claude Ducarroz

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