dimanche 20 décembre 2015

La porte ouverte

Quatrième dimanche de l’Avent 2015

La porte !

La porte.  Quand on entend ce cri dans un appartement, c’est que quelqu’un souhaite qu’elle soit fermée, la porte.  Parce qu’il y a un courant d’air ou parce qu’on redoute une visite inopportune, qui sait ? peut-être un cambrioleur. Et puis, comme dit la sagesse populaire : « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Spontanément -avouez-le-, on préfère qu’elle soit fermée…notre porte.

L’année sainte de la miséricorde s’est ouverte –c’est le cas de le dire- par l’ouverture d’une porte un peu partout dans le monde, y compris dans notre cathédrale. Et la liturgie de ce jour ne manque pas de portes qui s’ouvrent plutôt que de portes qui se ferment en nous claquant au nez. 

« Je suis la porte », disait Jésus. « Qui entrera par moi sera sauvé. Il entrera et sortira, et trouvera sa pâture. »
Et voilà deux indications essentielles : la vraie porte, c’est quelqu’un et non pas quelque chose. Et puis par la porte, on peut entrer, mais il faut aussi savoir sortir.

Oui, Dieu est entré dans notre monde -c’est le mystère de Noël- par la porte de Jésus, par la porte qu’est Jésus. Dès lors, Dieu tient porte ouverte et même table ouverte pour toute l’humanité. Car c’est le Dieu Amour –qu’on peut aussi appeler miséricorde- qui a passé et continue de passer par cette porte vivante, jamais refermée quoi qu’il arrive, comme le cœur de Jésus ouvert à deux battants sur la croix. Et s’il y a un certain courant d’air, c’est celui de l’Esprit qui souffle où il veut et maintient un certain état d’esprit évangélique dans notre monde.

Mais quand Dieu veut venir à notre rencontre, il n’entre pas comme un voleur, par effraction. N’imaginons jamais un divin ou chrétien cambrioleur. Ce ne serait plus une visite d’amour.

« Voici que je me tiens à la porte et je frappe », dit le Jésus de l’Apocalypse. « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. »

La plus belle démonstration de ce dialogue sur le pas de porte, c’est Marie, la grande figure de ce dimanche avant Noël. Il a fallu que Marie écoute et entende la voix de Dieu portée par l’ange. Elle a d’abord entrouvert à la surprise de Dieu, elle a dialogué en toute liberté respectée. Et puis elle a ouvert toute grande la porte de sa foi, en toute humilité : « Qu’il me soit fait selon ta parole ». Et quand l’ange la quitte, un autre entre en elle, dans son cœur de croyante et jusque dans son corps  désormais maternel : « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. »

Encore fallait-il ensuite qu’elle passe la porte dans l’autre sens. Au lieu de cultiver en cachette son intimité désormais divinement habitée, elle part, elle s’en va, et c’est même dit « rapidement ou avec empressement. » Il lui faut sortir pour aller frapper à la porte d’une autre, car lorsque Dieu entre chez quelqu’un, même discrètement, il le fait sortir à la rencontre des autres pour que de telles visites deviennent des visitations.

En ouvrant sa porte à Marie, Elisabeth se retrouve ouvrant la porte à Jésus en visite anonyme, mais réelle, avec sa mère. De nouveau le courant d’air de l’Esprit –« elle fut remplie de l’Esprit-Saint- et de nouveau la même joie partagée, « Heureuse es-tu… » -une béatitude de la porte ouverte- et bientôt le chant du Magnificat. Car Dieu accomplit des merveilles, et d’abord pour les petites servantes qui savent ouvrir les portes de la foi et de l’amour quand le Seigneur heurte à leur maison.

Les portes de l’Année de la miséricorde se sont ouvertes, y compris ici dans notre cathédrale. Il est grand temps de passer du symbole à la réalité.

Ouvrir nos portes à Dieu qui frappe. Il faut un peu plus de silence pour l’entendre, en évitant les bruyantes agitations que notre société nous présente – ou plutôt nous vend- aux environs de Noël. C’est au-dedans de nous, dans la crèche de notre vie intérieure, que Jésus veut reposer, offert par son Père et porté par Marie. Ouvrir la porte, c’est alors prier en solitude ou en communauté et méditer la Parole.

Mais attention ! N’allons pas nous enfermer à portes closes dans une vie spirituelle certes fort pieuse mais déconnectée du monde et de ses drames. Plus que jamais, il nous faut aussi passer la porte dans l’autre sens pour aller vers les autres, sortir à la rencontre de celles et ceux qui comptent sur notre visite pour vivre, revivre, peut-être seulement survivre.

On sait ce qui est arrivé à Marie enceinte et à Joseph le charpentier : ils n’ont trouvé que des portes fermées, car il n’y avait pas de place pour eux, même dans une salle commune.
Il y a tant d’humains aujourd’hui à travers le monde qui en sont là. De grâce, qu’il n’en soit pas ainsi chez nous, a fortiori à Noël.

La porte ! Si possible toujours ouverte. Pour aller et venir. Pour accueillir au-dedans l’hôte divin, pour aller au dehors à la rencontre de nos frères et sœurs pèlerins d’humanité avec nous.

Voilà les ingrédients pour réussir un vrai menu de Noël au goût de Bethléem.


Claude Ducarroz

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