Qui l’eut cru ?
Dans ma (lointaine) enfance, j’entendais des
personnes âgées raconter encore quelques souvenirs de la grippe dite
« espagnole » (1918), et ça nous faisait froid dans le dos. Toutes
proportions gardées, nous y voici à nouveau, si l’on en croit les mesures
drastiques que le coronavirus impose en cascade à nos sociétés, y compris à la
nôtre qui s’estimait sans doute à l’abri pour toujours de telles
calamités. Progrès de toutes sortes
obligent ! Mais hélas !
Pour en rester aux conséquences sur la vie
religieuse proprement dite –sans oublier toutes les autres évidemment-, nous sommes
affrontés à des impacts encore inimaginables, il y a quelques jours. Non
seulement la plupart des réunions sont déconseillées ou renvoyées, mais les
messes elles-mêmes – le cœur battant de la piété catholique- sont supprimées un peu partout. Il nous faut
faire ce sacrifie par solidarité citoyenne et chrétienne à l’égard des malades
actuels ou potentiels, comme aussi par soutien à nos autorités qui doivent
assumer des responsabilités si graves et si difficiles.
Est-ce à dire que la vie dans l’Esprit des
chrétiens et des communautés est en voie d’extinction, voire de
disparition ? Ce serait une
deuxième tragédie. Il est grand temps de réfléchir et de prier pour mieux nous
recentrer sur l’Essentiel vital, pour nous ancrer davantage dans l’Unique
nécessaire.
D’abord nous pouvons accepter ces privations en
signe de profonde communion avec tous les chrétiens -d’hier et encore
d’aujourd’hui- qui se cramponnent vaillamment à l’Evangile alors qu’ils vivent
la persécution, l’extrême difficulté de rassemblement, la précarité d’une vie
d’Eglise sans église et souvent sans eucharistie possible. Ce que nous devons assumer
par nécessité provisoire est souvent leur pain quotidien. Je l’avais vérifié en
visitant certains pays d’Europe de l’Est sous la férule communiste.
Par ailleurs, il nous reste encore tant de
trésors évangéliques à explorer et à goûter, mieux que d’habitude, pourquoi
pas ? Je pense à la visite des églises pour des temps d’adoration en
silence, à la prière en famille –cette cellule de base de l’Eglise-, à la
méditation de la Parole de Dieu, toujours si accueillante dans les libres
bibliques et liturgiques. N’oublions pas non plus que les nouveaux moyens de
communication sociale sont aussi pleinement à notre service si l’on veut bien
les utiliser pour entrer en contact avec d’autres personnes et d’autres
communautés, notamment par la retransmission de certaines liturgies.
Nous ne sommes pas
sans rien, Dieu merci.
Que l’absence ou la raréfaction ne provoque pas
une mauvaise habitude plus ou moins paresseuse. Il serait évidemment très
dommageable à cause de cette épreuve de diète religieuse, que nous abandonnions
le désir de nous retrouver en communautés rassemblées, que nous perdions le
goût de participer en direct à l’eucharistie, ce rendez-vous mystique et
sensible avec Celui qui nous invite à sa table.
Nous n’avions pas prévu ce jeûne-là. Mais
préparons-nous déjà, après notre passage au désert avec les austérités qui
s’imposent, à nous retrouver en bonne forme spirituelle pour refaire Eglise
dans la joie des retrouvailles eucharistiques et fraternelles.
Sans oublier que l’amour du prochain, à
commencer par celui qui va à la rencontre des plus pauvres et des plus
souffrants, est aussi, en toutes circonstances, une très belle forme de
communion.
Claude Ducarroz A
paru sur le site cath.ch
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