samedi 8 février 2014

Homélie 5ème dimanche ordinaire

Homélie
5ème dimanche ordinaire 2014

Qui a dit que c’était compliqué d’être chrétien ? Difficile, oui, et même sûrement. Mais compliqué, pas du tout. C’est le message de la liturgie de ce jour.

D’abord saint Paul nous libère d’un préjugé très paralysant. Le christianisme serait destiné à une élite supérieure, comme s’il fallait être des intellos, si possible forts en gueule, pour y comprendre quelque chose et pouvoir en témoigner. Rien de ça. Car le mystère de Dieu ne s’annonce pas avec le « prestige du langage humain et de la sagesse », nous rappelle ce grand théologien qu’était pourtant l’apôtre Paul. Qui ajoute qu’il est arrivé en Grèce, patrie des prestigieuses philosophies, « dans la faiblesse, craintif et tout tremblant. » Car  c’est l’Esprit avec sa puissance qui mène le bal de l’évangélisation, et tout le monde est invité, oui tous peuvent participer, même les petites gens du port de Corinthe auxquels l’apôtre écrivait.

Le prophète Isaïe est de la même veine, et encore plus concret. Tu veux être une lumière dans ce monde si souvent plongé dans les ténèbres ? Très bien ! Regarde près de toi et ouvre ton cœur pour aimer au ras de la vie. « Partage ton pain avec celui qui a faim, dit le prophète, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement. Oui, « fais disparaître de ton pays le joug, la parole malveillante, le geste de menace … Alors ta lumière jaillira comme l’aurore », à condition que tu donnes de bon cœur, évidemment !


Pas compliqué, concret, à la portée de tout le monde : tels se présentent le style de vie et l’engagement du chrétien en ce monde. C’est aussi ce que Jésus lui-même enseigne à ses disciples rassemblés autour de lui sur la montagne.

D’abord la comparaison du sel. Qu’est-ce qu’on attend de lui ? Deux choses en somme. D’abord qu’il ait du goût pour en donner. Et ensuite qu’il accepte de quitter la salière pour se laisser dissoudre dans les aliments qu’il doit relever et conserver.
* Fournir un sel gouteux, pas affadi ou dénaturé : c’est le rôle de la communion intérieure avec le Christ. Lui seul peut nous conférer cette saveur d’évangile qui fait les vrais chrétiens : sincères, profonds, engagés. Et ça passe par la fréquentation de la Parole de Dieu, par l’eucharistie et les autres sacrements, par la prière personnelle ou communautaire. Là, le sel puise sa qualité essentielle, ou la retrouve, à sa source mystérieuse. Il nous faut rester branchés !
* Mais le sel n’est pas destiné à demeurer dans la salière, comme il peut advenir par confort, paresse ou habitude égoïste. La soupe du monde, qui attend le sel de l’évangile répandu par les chrétiens, ce sont nos milieux de vie, là, dans le quartier, au travail, dans la famille, dans les loisirs, dans les engagements politiques, culturels, économiques, écologiques et sociaux. Quand nous y sommes et que nous nous y engageons avec d’autres -qui ne sont peut-être pas chrétiens-, est-ce que nous y apportons un supplément d’âme, une valeur ajoutée, de bonnes questions ou remises en questions, un plus de justice, de solidarité et d’amour ?
Et puis l’Eglise, comme il se doit, est appelée à donner l’exemple, même si elle se sait imparfaite. Nous ne pouvons pas exiger de la société ce que nous ne pratiquons pas nous-mêmes entre nous, dans nos communautés chrétiennes. Il y a un style évangélique de rapports humains dans nos rencontres et célébrations qui donne envie -ou non- de partager notre foi au Christ, le modèle du « être humain et du vivre ensemble ».
Le pape François nous le rappelle souvent : « Plus que la peur de se tromper, j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que dehors il y a une multitude affamée et Jésus qui nous répète : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! »

« Vous êtes la lumière du monde », ajoute Jésus. Pas pour être cachés, plus ou moins honteusement, sous le boisseau, mais pour briller humblement en pleine pâte humaine. Briller, pas soi-même comme une star de la religion. On n’est pas dans le star-systeme. Même pas l’Eglise elle-même pour elle-même, mais pour mettre en évidence la personne, je dirais même le visage du Christ sur lequel resplendit la gloire de Dieu. Oui, une Eglise servante du Seigneur, comme Marie, qui nous redit en langage compréhensible : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Et ce qu’il nous dit, nous le savons bien, c’est encore très simple : « Croyez au Christ sauveur et aimez-vous les uns les autres comme il vous a aimés. » Alors, nous promet Jésus, « voyant ce que vous faites de bien, les hommes –les autres- rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

Ce retour aux sources vives de la foi, cet encouragement à témoigner pour l’évangile de Jésus au cœur du monde tel qu’il est, c’est justement la feuille de route que le pape Jean XXIII avait donné au concile Vatican II il y a 50 ans. Certes, bien des choses ont changé, dans la société et dans l’Eglise aussi. Mais la fécondité de ce concile demeure d’actualité. Nous essayerons de le regarder de plus près après cette messe. Car il y a encore beaucoup à vivre dans l’esprit de cette « nouvelle Pentecôte », comme l’appelait le bon pape Jean.
Et le pape François nous y invite lui aussi quand il écrit : »L’Eglise n’est pas une douane, mais la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile ». Et il ajoute : « Je ne veux pas une Eglise préoccupée d’être le centre  et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures… Je préfère une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie sur les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de son enfermement et qui s’accroche confortablement à ses propres sécurités. »

Nous le savons mieux, justement depuis le concile Vatican II : l’Eglise c’est nous, nous tous. A nous maintenant de jouer pleinement la partition de l’Evangile, sous le souffle intérieur de l’Esprit, et tous ensemble, comme le peuple de Dieu pèlerin, en marche vers le Royaume de Dieu.


                                   Claude Ducarroz

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