samedi 19 avril 2014

Pâques 2014

Pâques 2014

« J’ai tout pour être heureux. Mais je n’arrive pas à être heureux ! »

Cet heureux-malheureux, c’est un ami que j’ai rencontré il y a deux semaines.
Une belle carrière professionnelle, une épouse magnifique à tous points de vue, quatre enfants qui vont bien, et maintenant des petits-enfants : il pourrait –il devrait- être heureux. Il ne l’est pas. Et c’est même tout à son honneur : il est extrêmement sensible à ce qui se passe autour de lui, et jusque dans le vaste monde. « Je vois et j’entends tant de violences, de guerres, d’injustices, me dit-il,  que ça m’empêche d’apprécier mon bonheur personnel. Je suis malheureux du malheur des autres. »
Je le sais, et cet ami me l’a confirmé dans la discussion : il n’est pas croyant. D’ailleurs il m’a dit : « Qu’est-ce qu’il fait ton bon Dieu dans tout cela ? »

Je n’ai pas de réponse facile, toute faite, à de telles questions, que je me pose aussi comme homme et même comme chrétien.
Et pourtant je n’ai pu m’empêcher de le lui dire : je ne vois qu’une lumière au bout du tunnel. Ce pourrait être la réponse à la question : la résurrection du Christ.

Sur la croix de Jésus de Nazareth, apparemment, qui a gagné ? La mort d’abord : « Et inclinant la tête, il expira. » Et puis aussi tout ce qui a conduit à cette mort : les mensonges, les moqueries, les lâchetés, et finalement l’injustice de la sentence, la cruauté des mauvais traitements, le poids de la croix, et jusqu’au coup de lance final, même après la mort, pour bien achever l’ouvrage.

Les femmes qui viennent au tombeau au lever du jour en sont encore là. Certaines ont regardé de loin, d’autres ont pleuré au bord du chemin, les plus proches étaient au pied de la croix. Que leur restait-il finalement ?  Des souvenirs, des larmes, une compassion triste. Et des parfums pour le mort, selon la tradition funèbre de leur culture.

Et puis soudain tout bascule, de l’autre côté, du côté du Dieu de la vie, du côté de l’amour vainqueur : « Il n’est pas ici », là où gisent les feuilles mortes de la mémoire. « Il est ressuscité », là où commence un printemps de nouvelle et invincible espérance. « Car ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus. Sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir. »

Voilà le cadeau de Dieu à l’homme Jésus, « le premier né d’entre les morts. »
On pourrait en rester là, à la limite se réjouir pour lui parce qu’on n’est pas jaloux. C’est intéressant et même médiatiquement croustillant: un humain est sorti vivant de son tombeau. Pourquoi pas ? Tant mieux pour lui.

Mais nous ? Personne, croyant ou non, devant sa propre mort et la mort de celles et ceux qu’il aime, et devant le spectacle souvent lamentable de notre monde labouré par les forces du mal et de la mort, personne ne peut éviter cette question cruciale: qu’en est-il de nous si, comme certains le disent, Jésus de Nazareth est bel et bien ressuscité ?

Une phrase résume tout : « le premier né d’entre les morts » est aussi « l’aîné d’une multitude de frères et sœurs »…que nous sommes.  Ce Jésus, qui est mort comme nous et pour nous, nous entraîne dans le souffle puissant de sa résurrection, comme un tsunami de vie plus forte que toutes les morts, comme une tornade d’amour plus intense que tout mal et tout péché.

Ce matin-là, notre tragique histoire a changé de sens malgré les apparences : le temps remonte la pente descendante de l’inhumain, la vie acquiert une dimension d’éternité, l’amour devient la seule feuille de route du vrai bonheur.
Tel est le cadeau de Pâques, de la part de Dieu, coulant du côté ouvert du Christ, sous le souffle de l’Esprit Saint.

Dans le baptême, et aussi dans chaque eucharistie, nous accueillons à nouveau ce divin cadeau. Il est là en personne, lui qui nous a dit à travers l’apôtre Paul : « Baptisés en Jésus-Christ… nous vivrons une résurrection qui ressemblera à la sienne… puisque nous sommes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ. »
Et c’est ce même Jésus que nous recevons dans l’eucharistie, « en rappelant sa mort, en célébrant sa résurrection, en attendant son retour dans la gloire. »

Voilà où nous sommes aujourd’hui, voilà où nous en sommes à cause de Pâques.
Il nous reste à vivre dans cette lumière, avec cette espérance au cœur, gratuite, merveilleuse, invincible.
Et qu’est-ce que ça signifie ?

Compter fermement sur la promesse issue du tombeau vide de Pâques : notre vie mortelle est donc vouée à la résurrection. Par ailleurs, notre existence ici-bas doit refléter, en nous et autour de nous, le choix de Dieu pour la vie, l’amour, la réconciliation, la paix, finalement la vraie fraternité pascale, à savoir universelle, pour tout homme et tout l’homme.

Et puis il nous faut partager le cadeau avec les autres. On ne va pas savourer la grâce de Pâques comme des égoïstes, tous seuls dans notre coin. Vous avez entendu : avant même que les femmes aient rencontré Jésus ressuscité, l’ange leur dit : « Allez dire à ses disciples : Il est ressuscité d’entre les morts. » Et en direct, peu après, Jésus leur dit la même chose : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères… qu’ils me verront. »

Un enfant de la Pâque, ce que nous sommes, c’est un homme qui se sait sauvé, c’est un chrétien qui espère la vie éternelle, c’est un être humain à l’amour sans barrière et sans frontière, c’est un baptisé qui donne envie aux autres de croire, d’aimer, d’espérer avec Jésus ressuscité, vraiment ressuscité.


Claude Ducarroz 

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