samedi 17 janvier 2015

Dimanche de l'unité

Unité 2015

Le monde brûle et les Eglises chrétiennes sont encore en train de se chicaner pour savoir quelle est la plus chrétienne. Il est vrai que le mauvais exemple vient de haut : les apôtres, devant Jésus qui les tança, se disputèrent pour savoir qui était le plus grand parmi eux ! Cf. Luc 22, 34.

Aujourd’hui nous commençons, comme chaque année, la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Que nous soyons encore divisés, c’est un effet malheureux de nos héritages marqués par des concurrences, des luttes et même des guerres. On n’est pas toujours fier de notre histoire et de nos histoires.

Qu’il faille maintenant se rapprocher, jusqu’à la réconciliation, jusqu’à l’unité dans une légitime diversité : c’est un impératif que nous ne pouvons ni ne devons passer sous silence.
* Un impératif qui nous vient de Jésus lui-même, notre référence commune puisque, la veille de sa passion, il a prié le Père ainsi : « Que tous soient un afin que le monde croie… Qu’ils soient parfaitement un afin que le monde sache que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. »
* Et un impératif qui vient de notre monde, tellement labouré par les divisions, les injustices et les violences. Ce monde dans lequel les chrétiens et les Eglises doivent donner le témoignage que la convivialité est possible, dans le respect des différences et le partage de valeurs universelles.
Dès lors ce qu’on appelle l’œcuménisme n’est pas une branche à option pour quelques spécialistes marginaux, mais une dimension essentielle de la vie de nos Eglises et par conséquent un ardent devoir pour chacun de nous.
Mais finalement, c’est quoi, cet œcuménisme ?
Le pape Jean-Paul II en a donné une définition simple, mais très pertinente : c’est un échange de cadeaux.
Par nos méchantes divisions, dont nous sommes tous responsables, chaque Eglise est partie en emportant une portion de l’héritage chrétien, en se cramponnant à ce morceau, jusqu’à exagérer son importance ou à défigurer sa présentation. Par exemple les catholiques avec la papauté ou le culte marial, et les protestants avec le rôle de la Bible et la liberté d’interprétation personnelle.

Ce faisant, nous avons privé les autres d’un trésor qui, en soi, devrait être partagé par tous, une fois passé dans le bain de la conversion qu’on peut aussi bien appeler une réforme.
Il est grand temps maintenant de se rapprocher les uns des autres par notre foi commune au Christ et par des gestes de fraternité afin de remettre ensemble, sur la table de famille, les pièces précieuses d’un puzzle évangélique que nous avions dispersés aux quatre vents par nos infidélités et nos sectarismes.

C’est un travail long et difficile, qui nous remet tous en question. Il concerne nos modes de pensée, mais aussi nos traditions liturgiques et nos références morales. Il y va d’un discernement communautaire pour faire la distinction entre ce qui est exigé par le devoir intangible d’unité dans la foi et ce qui est acceptable au nom de légitimes diversités dans la manière d’exprimer cette foi et de la vivre en communautés sœurs mais pas semblables en tout.

Il y a entre nous encore des divergences séparatrices qu’il nous faut soumettre au feu de l’Esprit de l’évangile dans l’humilité et la prière. Il y a aussi –et il s’agit de le reconnaître et même de s’en réjouir- des différences qui sont des richesses dans la variété symphonique d’Eglises en voie de retrouvailles après des siècles d’ignorance, d’affrontements et de bouderies jalouses.

Des autorités d’Eglises oeuvrent sur ce chantier, comme on l’a vu récemment entre le pape François et le patriarche orthodoxe Bartholomée. Des théologiens y travaillent aussi, par exemple dans un cercle d’experts catholiques et protestants intitulé le Groupe des Dombes. Il y a aussi toutes ces prières pour l’unité qui montent vers le ciel, en particulier durant cette prochaine semaine, sans oublier des communautés comme celle de Taizé ou de Grandchamp qui s’engagent de manière prophétique, notamment parmi les jeunes, pour la pleine réconciliation des Eglises et des chrétiens.

Et nous, qu’est-ce que nous faisons ? Il serait faux de croire que tout est déjà résolu entre nous puisque nous ne nous faisons plus la guerre. Mieux : nous prions ensemble, nous nous entendons bien, nous oeuvrons de concert pour un monde meilleur, notamment au service des pauvres, des souffrants et des exclus.
Il faut admettre, sans se laisser décourager, qu’il y a encore des nœuds à dénouer dans les doctrines. Mais rien n’empêche que nous, les chrétiens de la base, nous donnions le témoignage de frères et sœurs toujours plus unis quand il s’agit de proclamer notre foi en Jésus le Christ, de dire au monde l’espérance issue de l’évangile pascal et surtout de nous aimer sans attendre d’être pleinement réconciliés.

Tous, à commencer par nos Eglises comme telles, nous avons assez de pauvretés pour avoir besoin de recevoir avec reconnaissance des autres, assez de richesses pour avoir la joie de les partager humblement avec les autres et assez d’impulsions spirituelles pour nous retrouver ensemble sur le terrain de la mission et du témoignage dans notre société.

Chrétiens et Eglises, nous avons assez souffert et fait souffrir par nos divisions. Il s’agit maintenant de procéder par additions de nos trésors purifiés dans l’essoreuse de l’évangile pour les offrir ensemble au monde. Oui, des trésors plus riches dans leurs variétés, plus transparents dans leur beauté, plus chaleureux dans leur rayonnement.

Que chacun puisse dire à l’autre, à commencer par l’autre chrétien près de lui : Tu me manques, mon frère, ma sœur. J’ai un cadeau pour toi. Je me réjouis de découvrir et de recevoir le tien. Et nous rendrons grâces ensemble à l’auteur de tous les cadeaux : Jésus notre commun Seigneur et frère, « afin que le monde sache que tu les as aimés comme tu nous as aimés ».


Claude Ducarroz

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