mardi 13 janvier 2015

Il était une fois...l'eucharistie

Il était une fois…l’eucharistie !

Chez nous, les statistiques de la vie sacramentelle dans l’Eglise catholique sont en berne. On peut réagir en gérant la pénurie. Le rappel d’un certain « parcours eucharistique » peut aussi déboucher sur des réponses nouvelles face aux défis actuels. Claude Ducarroz vous soumet quelques idées. Qu’en pensez-vous ?


C’était avant le concile Vatican II

Mon père était un chrétien dit « pratiquant ». Il assistait à la messe tous les dimanches mais ne communiait que trois ou quatre fois par an. Notre brave curé –très proche des gens- n’en attendait pas moins de lui, mais pas davantage non plus. Les femmes, avec leurs enfants, étaient plus pieuses, un peu bigotes, comme disaient certains hommes. Nous allions communier plus souvent. Il faut comprendre ! Pour s’approcher de la table sainte, il fallait être « en état de grâce » -comment le savoir ?- et respecter scrupuleusement le jeûne eucharistique le plus strict. Conséquence : j’allais à confesse chaque samedi -mes parents m’y envoyaient- et nous communiions au plus tard avant la messe matinale de 7h.30. Bien entendu, à la grand’messe de 9h.30, seul le prêtre communiait.

Puis vint Vatican II

Et peut-être, un peu avant lui, le renouveau liturgique. Le jeûne eucharistique fut assoupli, on commença à parler français pour les lectures, il nous était enseigné que la messe comportait deux parties également importantes : la liturgie de la parole et l’eucharistie à laquelle nous étions tous invités. Plus question de courber « l’avant-messe », ce que faisaient certains hommes en arrivant à l’église… pour l’offertoire. On comprit qu’il n’était plus nécessaire d’aller à confesse avant chaque communion. Quelques pionniers –pas très bien vus au départ- se mirent à communier durant la grand’messe, ce qui devint peu à peu la norme sociale pour les pratiquants réguliers. L’Eglise catholique, qui avait toujours insisté sur la valeur centrale de l’eucharistie, tout en rendant sa réception plutôt rare chez ses fidèles laïcs, finit par motiver de plus en plus les croyants dans le sens d’une réception fréquente, presque habituelle, de la sainte communion. On avait retrouvé le goût et l’audace de manger à la table du Seigneur. Avec cette évolution collatérale inattendue : plus de communions, mais moins de confessions !

Et maintenant ?

On ne s’attendait pas à un autre phénomène, qui nous frappe encore de plein fouet. C’est la diminution drastique du nombre des prêtres en service effectif. Cette raréfaction eut pour conséquence que les célébrations de la messe se firent de plus en plus rares, surtout dans les campagnes. Là où l’on avait une messe chaque dimanche –et parfois deux par weekend-, il n’y a plus qu’une eucharistie chaque mois. Il est vrai que la diminution conjointe des « pratiquants » conduit aussi à imposer cette relative pénurie eucharistique.
Comment gérer –un vilain mot- cette situation de nouveau « jeûne eucharistique » pour d’autres raisons ? Dans un premier temps, on peut évidemment concentrer les offres sacramentelles dans les centres les plus importants en invitant les gens des périphéries à venir se nourrir spirituellement là où il y a encore la célébration dominicale de la messe. Et puis, quand ce n’est pas possible, on peut toujours se rassembler, grâce à l’animation de célébrations par des diacres ou des laïcs bien formés, en semaine ou même le dimanche.
Dans cette conjoncture, faut-il donner la communion « hors messe » ou faut-il miser sur la seule rencontre de la communauté autour de la parole et dans la prière ? On en discute dans les chaumières catholiques. On peut estimer qu’il n’est pas théologiquement normal de promouvoir des célébrations de type eucharistique en absence de prêtre, ce qui pourrait insinuer que l’on peut se passer de prêtre du moment qu’on peut recevoir la communion sans lui. Il est vrai qu’une telle pratique, si elle venait à entrer dans les mœurs catholiques, pourrait mettre en danger l’indispensable ministère du prêtre comme rassembleur de la communauté et président des liturgies eucharistiques.
Mais par ailleurs continuer  -à juste titre- de souligner l’extrême importance de l’eucharistie dans la vie des chrétiens – l’eucharistie « source et sommet de la vie chrétienne », dixit Vatican  II- en les privant trop souvent de la communion, est-ce cohérent ? Une eucharistie sans prêtre, c’est peut-être une situation de misère. Mais un rassemblement dominical sans eucharistie, est-ce plus évangélique en contexte catholique ? Ceci dit sans diminuer la valeur des liturgies de la parole quand elles sont bien préparées et bien célébrées.

Perspectives possibles

Pour sortir de cette impasse, qui met de nouveau des obstacles à la vie eucharistique « normale », ne faudrait-il pas revoir, en parallèle, les conditions d’accès au ministère de prêtre ? Je ne crois pas que renoncer au célibat obligatoire pour accéder à l’ordination presbytérale soit une panacée. Mais je suis sûr qu’une telle évolution est une partie non négligeable de la réponse à la question eucharistique chez nous aujourd’hui. Nous connaissons tous des diacres permanents et des laïcs qui, à vue humaine et chrétienne, pourraient devenir d’excellents prêtres mariés, après discernement, formation, appel et ordination évidemment. Sans compter peut-être des femmes, mais c’est une autre question, j’en conviens. Et sur ces deux points, l’assemblée synodale suisse s’était déjà montrée favorable en… 1972 !
Tant qu’on n’aura pas rejoint nos frères et sœurs des Eglises d’Orient -y compris les Eglises unies à Rome- sur la relation optionnelle entre la prêtrise et le célibat, je crois que nous continuerons de « boiter » eucharistiquement. J’estime que la théorie et la pratique catholiques, tellement centrées sur l’eucharistie –Parole et Pain partagés- méritent bien un tel ajustement de la discipline des ministères ordonnés, sans déprécier la valeur du célibat librement choisi pour le Royaume des cieux, sans dévaloriser non plus les services indispensables des diacres et des laïcs, hommes et femmes. D’ailleurs ce sont souvent ces derniers qui demandent davantage de nourriture eucharistique. Il ne faudrait pas les décourager d’avoir faim à force de les priver, sans raison grave, du pain de la vie.

                                               Claude Ducarroz



Cette prise position a paru dans le site cath.ch sous la rubrique « blogs »

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