Homélie
+ Pierre
Kaelin
Il aurait pu être un prêtre ordinaire, comme
nous, dans la magnifique et rude aventure du ministère « à cause de Jésus
et de l’évangile ». D’ailleurs c’est ainsi qu’avait commencé le service
presbytéral de l’abbé Pierre Kaelin à Notre-Dame de Lausanne en 1937. C’eut été
ignorer ses charismes reçus en héritage –on peut même dire en hérédité- d’une
famille où ne manquait ni l’esprit ni l’imagination. Ni le sacerdoce non plus
puisque deux autres frères devinrent prêtres à leur tour. Sur appel de son
évêque et dans le glorieux sillage du chanoine Joseph Bovet, Pierre est devenu
prêtre-musicien.
Il aurait pu n’être qu’un bon prêtre au service
de la liturgie dans notre cathédrale –ce qu’il fut durant 33 ans- par la
direction des chorales et l’animation des assemblées, non sans aider les unes
et les autres à prendre le virage du concile Vatican II, ce grand évènement qui encourage toujours à prier sur de la
beauté, mais aussi à favoriser la pleine participation du peuple de Dieu à
l’action liturgique. Paroisse et diocèse, comme nous sommes reconnaissants à
Pierre Kaelin pour son ouverture d’esprit, avec les risques et surtout les
chances du renouveau liturgique !
Il fallait encore plus que cela pour rendre
heureux cet homme et ce prêtre tout bouillonnant de créativité. Il a déployé
jusqu’au bout ses compétences et ses inspirations, des plus populaires aux plus
étonnantes. Je passe sur ses inventions techniques, dont certaines furent
dûment brevetées. C’est dans le domaine de la composition chorale et musicale
qu’il a démontré l’exubérance de ses talents, tant au service de l’Eglise qu’au
bénéfice culturel de notre peuple, et tout cela dans l’expression joyeuse des
valeurs chrétiennes et des fidélités citoyennes. Pierre a tout fait chanter, dans
les églises et aussi hors des églises. Il a composé pour le bonheur de nos
populations sur des thèmes pleins de vitalité, avec une esthétique toujours
reliée à des messages qui nous aident encore à être plus humains, dans la
solidarité et la paix, sans barrière et sans frontière.
Bien sûr, il aurait pu se contenter de nous
bercer dans les délices de musiques et de chants « bien de chez nous ».
L’esprit et le cœur de l’abbé -comme on l’appelait familièrement- étaient trop
sensibles pour qu’il nous laisse tranquilles, avec des compositions et des spectacles
de type patriotique. Ce n’est pas par hasard s’il a convoqué au bout de son
diapason les meilleurs prophètes d’une vaste humanité plus humaine, en écho à
notre merveilleuse et tragique histoire. L’abbé Pierre, Don Helder Camara,
Raoul Follereau, sans oublier l’ami
Emile Gardaz et d’autres poètes encore: il leur a offert les ailes déployées
de sa musique pour que leurs messages, à hauteur d’homme et de Dieu, pénètrent
dans nos cœurs et nous bousculent jusqu’à l’émotion et surtout l’action.
Je puis en témoigner personnellement -et
beaucoup parmi vous ici- : l’abbé Kaelin était tout le contraire d’un
compositeur de cabinet. Il avait une capacité d’entraînement hors du commun.
On ne pouvait pas lui résister quand il fallait
réaliser des initiatives –même insolites- pour les bonnes causes qu’il jugeait
toujours urgentes, que ce soit au plan de la culture, mais aussi dans le domaine
humanitaire. L’alliance des deux dimensions de ses engagements –le culturel et
l’humanitaire-, c’était la preuve concrète de sa générosité -affective et
effective-, le sceau de sa foi chrétienne et la signature de son ministère de
prêtre. Et tout cela en chantant, encore et toujours, tous ensemble.
Une telle personnalité, si riche de tant de facettes
humaines et évangéliques, méritait l’hommage posthume que nous lui rendons
aujourd’hui, 22 ans après sa mort. Il nous a fait tant de bien, y compris avec
ses défauts. Il nous a boustés pour le bien et par le beau. Nous lui devons un
grand merci.
Le chapitre cathédral, encouragé par la
paroisse St-Nicolas, estime que la place des restes mortels de l’abbé Kaelin
est ici, dans notre cathédrale, juste à côté de la tombe de l’abbé Bovet, son
illustre maître et prédécesseur. Nous remercions sa famille et ses amis –qui
gardent son héritage spirituel et prolongent son hérédité culturelle- d’avoir
rendu possible cette célébration de mémoire et de reconnaissance.
L’homme, le chrétien, le prêtre, le
musicien : dans cette eucharistie, c’est un seul chant -polyphonique et
symphonique- qui monte vers Dieu, dans la communion des saints, pour
l’édification de l’Eglise et la joie de notre peuple.
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