Assomption 2018
« Actuellement, on ne parle que
d’elles ! », me disait un homme sans doute un brin jaloux. Et c’est un peu vrai : depuis certaines
révélations particulièrement sordides, on parle beaucoup de la femme et des
femmes. A juste titre, elles ne manquent
aucune occasion de faire parler d’elles quand il s’agit de rappeler leur
égalité foncière en humanité, de revendiquer le respect de toute leur dignité
ou d’exiger leur juste promotion partout où le sexisme continue de sévir.
On pourrait dire que, aujourd’hui, à la faveur
de cette fête, l’Eglise catholique s’y met aussi. Elle place en évidence,
jusque dans sa liturgie, une Femme -avec f majuscule- « ayant le soleil
pour manteau, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze
étoiles. » Qui dit mieux ? serait-on tenté de répéter aux féministes
de toutes couleurs.
C’est la fête de l’assomption de la vierge
Marie, la mère de Jésus. Dans la théologie et la piété catholiques, portées par
d’antiques traditions, tant en Orient qu’en Occident, ceci est devenu très tôt
évident : la mère du Christ ressuscité, la femme toute sainte, que toutes
les générations doivent proclamer bienheureuse, a été enlevée et élevée au ciel
pour partager, dès sa mort, la gloire de Jésus, le premier né d’entre les morts.
Cette merveille réjouit le peuple de l’Eglise, heureuse
d’acclamer dans la lumière pascale, celle que Jésus nous a donnée pour mère du
haut de sa croix.
Aujourd’hui, et spécialement dans cette église
qui est consacrée à Notre-Dame, c’est un peu la fête de famille autour de la
maman bienheureuse, entièrement absorbée en Dieu, avec tout ce qu’elle fut et
tout ce qu’elle est, à savoir aussi son corps en qui l’Esprit saint a fait
germer et grandir le corps de Jésus, le Verbe fait chair au milieu de nous.
Rien en Marie ne s’opposait à cette
transfiguration immédiate. Et c’est ce qui lui est arrivé, par pure grâce
évidemment.
Encore faut-il en tirer quelques conséquences
pour nous aussi aujourd’hui.
La première, c’est que l’assomption de Marie
est un privilège, mais pas une exception. Elle nous précède dans cette grâce
toute pascale, mais nous n’en sommes pas exclus. Au contraire, ce qui est
arrivé à Marie d’abord nous est promis aussi à nous, selon l’engagement formel
du sauveur : « Je vais vous préparer une place… Là où je suis, vous
serez aussi avec moi. »
Et saint Paul le rappelait aux Corinthiens qui
avaient de la peine à le croire : « De même que tous les hommes
meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous revivront pour la vie
éternelle par la résurrection …quand ce Christ aura anéanti la mort. »
L’assomption de Marie, c’est donc l’assurance
que nous serons un jour et pour toujours avec Jésus vivant, comme elle et avec
elle, et tous les autres aussi. En un mot : quelle que soit notre vie
actuelle, le meilleur est encore devant nous. Marie la bienheureuse, Marie la
glorieuse, nous aide à y croire et, en priant pour nous, à le vivre, même imparfaitement.
Et comment, me
direz-vous ?
Entre autres en respectant la beauté et la
dignité du corps, et singulièrement du corps de la femme, de toutes les femmes.
Car ce qu’il y a d’extraordinaire –sans être unique-, c’est justement que l’assomption
de Marie, comme nous le rappellent tant de peintures et d’images, implique
pleinement son corps sexué lors de son entrée en gloire. Ne serait-ce pas
justement ce qu’on pourrait nommer une magnifique originalité mariale du
christianisme : le destin éternel
du corps ?
Comme le sauveur a passé par le corps d’une
femme, Marie de Nazareth, pour venir jusqu’à nous en pleine humanité, de même
le salut impactera aussi notre corps.
Car il est vrai que Dieu dans le Christ, et
avec la collaboration physique et croyante de Marie, veut emmener dans sa
gloire tous les hommes et tout l’homme, y compris notre corporéité un jour
récupérée.
La manière dont nous regardons et à fortiori
traitons le corps de la femme mesure notre degré de foi en notre vocation à la
résurrection bienheureuse. Il y a aussi un juste féminisme chrétien et, si
j’ose le dire, un féminisme marial.
J’ajoute enfin que le culte marial, comme on le
nomme parfois, si développé dans cette basilique, ne doit pas servir de
prétexte à justifier sournoisement un certain sexisme qui sévit parfois ou peut
toujours revenir. On pourrait en effet croire que les chrétiens –et surtout les
catholiques- ont déjà beaucoup donné à la femme à travers la figure de Marie
glorieuse ou par la piété mariale. Dès lors ça pourrait autoriser, à l’égard
des autres femmes - certes moins saintes qu’elle, mais tout aussi sainte que
les hommes sinon plus-, des attitudes de
discrimination rampante.
Respecter le génie féminin, apprécier ses
charismes et qualités spécifiques, ce n’est pas soumettre la femme et les
femmes à des exclusions ou des barrières. Il faut leur permettre partout de
déployer, pour l’enrichissement de notre humanité, les valeurs et les beautés
qu’elles recèlent, pour les mettre au service de tous, tant dans la société que
dans l’Eglise.
Il me semble que Marie, élevée toute entière au
ciel, aujourd’hui, nous dit aussi cela…sur la terre !
Ainsi soit-il !
Claude Ducarroz
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