Homélie
19
août 2018
Encore !
Ceux qui, parmi vous, participent à la messe
chaque dimanche l’auront peut-être remarqué : durant 5 dimanches de suite,
l’évangile de la liturgie ne nous parle que de l’eucharistie. En réalité, c’est
la lecture continue, par tranche, du 6ème chapitre de l’évangile de
Jean qui compte, à lui tout seul, 72 versets.
Bien sûr, je pourrais rajouter une couche de
commentaire sur le mystère eucharistique, ne serait-ce qu’à partir du premier
verset de l’évangile d’aujourd’hui : « Jésus disait à la foule :
« Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange
de ce pain, il vivra éternellement. »
Permettez que je m’attache plutôt à une autre
phrase : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi
et moi je demeure en lui. » Et la question se pose alors : Comment les chrétiens qui communient si
intimement à Jésus peuvent-ils devenir eux-mêmes « eucharistiques »,
et si possible dès-ici bas ? Car finalement, si la communion au corps et
au sang du Christ -réellement présent dans l’eucharistie- nous fait
« demeurer en lui », ça devrait se manifester dans notre vie, au
point que même les autres devraient pouvoir le remarquer.
Quand on relit tout ce chapitre 6 de saint
Jean, on pourrait baliser ainsi le cheminement du chrétien eucharistique :
partir de la nature respectée, œuvrer dans la culture sous toutes ses formes et
participer pleinement au culte qui culmine justement dans l’eucharistie.
Vous vous en souvenez ! La promesse de
l’eucharistie a commencé par ce qu’on appelle la multiplication des pains.
Le pain -et le vin évidemment- y compris à la messe, c’est d’abord le fruit
de la nature. On le sait bien, à l’heure de la moisson, de la vendange …ou de
la sécheresse. D’ailleurs Jésus avait rassemblé les foules au bord du lac et il
fit asseoir les gens, dit l’évangile, « là où il y avait beaucoup d’herbe ».
L’état d’esprit eucharistique commence par un certain regard contemplatif sur
la nature, une certaine mentalité écologique, un respect des biens de la terre.
Le pape François nous le rappelle dans son encyclique Laudato si : « L’eucharistie
est source de lumière et de motivation pour nos préoccupations concernant
l’environnement. Elle nous invite à être gardien de toute la création. »
(no 236).
Et puis il y a évidemment la culture, au sens
premier du terme : cultiver la terre et gérer ses richesses pour les
mettre au service des hommes, de tous les hommes. Pour nourrir les foules comme pour célébrer
l’eucharistie, il faut le pain « fruit du travail des hommes et des
femmes. » D’ailleurs Jésus a aussi dit à ses disciples : « Donnez-leur
vous-mêmes à manger ». Et pour accomplir son miracle, il a eu besoin des
cinq pains d’orge et des deux poissons qu’un enfant à bien voulu offrir pour
les partager.
Vous aurez aussi remarqué que les disciples
sont mis à contribution pour la suite de l’évènement, y compris pour ramasser
les morceaux qui restaient afin que rien ne soit perdu.
Il faut donc étendre le principe de culture à
tout ce que les hommes font à partir de la nature, par le travail sous toutes ses
formes, y compris par les arts, les sciences, les techniques les engagements
socio-politiques, etc…
Mais à condition que tout cela respecte la
nature, favorise la solidarité et organise le partage, avec priorité pour
celles et ceux qui sont encore victimes des injustices et des inégalités.
Rien n’est plus contraire à l’eucharistie
qu’une société où les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres
toujours plus pauvres. Le consumérisme à outrance, le pillage et le gaspillage
des biens de la terre, le matérialisme arrogant : voilà l’ennemi. Une fois
de plus, le pape nous le rappelle. Il nous presse de passer de la culture des
déchets à la culture du partage. En somme : à la table eucharistique.
Je n’oublie pas le culte, à savoir la vie
spirituelle, qui culmine dans la liturgie, à commencer par l’eucharistie. Là
tout se rassemble, se noue et s’offre dans le divin et humain sacrifice. Quand
nous nous rassemblons pour la messe, nous prenons avec nous la nature cosmique,
nous portons en nous et avec nous toute l’humanité en quête de justice et de
paix, nous constituons l’Eglise universelle autour de Jésus mort et ressuscité.
L’eucharistie épouse toutes ces dimensions. La
nature est au rendez-vous, car, dit le pape, « l’eucharistie est en soi un
acte d’amour cosmique ». La culture brille aussi sous toutes ses facettes,
y compris dans les scintillements de la beauté esthétique, et le vrai culte pascal
est re-présenté « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».
Avons-nous conscience de tout cela ?
Sommes-nous disposés à nous investir, dans la société et dans l’Eglise, pour
que cette riche alliance de tant de beaux mystères soit plus visible, plus crédible,
plus fraternelle, plus désirable ?
Sommes-nous prêts à devenir davantage
eucharistiques ?
Claude Ducarroz
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