dimanche 3 février 2019

Homélie 27 janvier

Homélie Unité 2019 Il y avait longtemps qu’on ne s’était plus revu. Mais jadis on avait partagé la joie d’animer des camps bibliques pour et avec des jeunes. André était un pasteur protestant. A la faveur de notre revoir, il me dit soudain, en me fixant dans les yeux, et les siens pleins de larmes : « Vous les catholiques, vous nous manquez. Mais je n’ai pas l’impression que nous, les protestants, nous vous manquions, à vous les catholiques. Vous vous estimez tellement riches de tout que vous pensez n’avoir pas besoin de nous. » J’ai compris ce jour-là une chose importante : l’œcuménisme ça commence quand l’autre nous manque, tel qu’il est, différent certes, pas seulement complémentaire, mais indispensable à la vérité et à la beauté de la famille chrétienne, l’Eglise de Jésus-Christ. Sincèrement, est-ce que les autres chrétiens vous manquent ? Ou est-ce que, comme catholiques, vous ne manquez de rien, vous ne manquez de personne, pour faire Eglise aujourd’hui ? « Le corps ne fait qu’un, dit l’apôtre Paul, il a pourtant plusieurs membres, et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit que nous tous, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Or vous êtes le corps du Christ et chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. » Alors où est le problème, me direz-vous ? C’est que, malgré le même baptême, malgré l’unique Esprit, l’histoire et nos histoires - et surtout nos péchés personnels et communautaires-, nous ont éloignés les uns des autres jusqu’à nous séparer, parfois sur des points importants de notre fidélité à l’Evangile du Christ. Il y eut même, y compris chez nous en Suisse, des guerres de religion qui ont transformé en ennemis des chrétiens qui n’auraient jamais dû cesser d’être des frères et sœurs, malgré de légitimes diversités. Héritiers involontaires de cette histoire et de ces histoires, il nous faut maintenant remonter la pente de nos divisions. Heureusement, nous pouvons rendre grâces pour les importants et nombreux progrès déjà accomplis. Ils ont transformé nos relations, jadis faites au mieux d’indifférence, souvent de méfiance et parfois même d’hostilité, en connexions de respect, de collaboration et même de communion sur des points essentiels. Mais il demeure encore des sujets qui fâchent, des nœuds à défaire, des consensus à créer pour que nous puissions correspondre à cette prière que le Christ adressait à son Père la veille de sa mort, en pensant aussi à nous aujourd’hui : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » Autrement dit la réussite du projet œcuménique, ce sont des chrétiens unis dans l’essentiel et rayonnant de justes diversités. Ce projet d’une Eglise unie comme un seul corps dans la belle variété de ses membres, conditionne plus que jamais l’annonce et le témoignage pour l’Evangile dans notre monde. Il ne faut pas le nier : il y a encore quelques obstacles sur cette route. Par exemple comment comprendre et célébrer l’eucharistie comme signe d’une vraie communion, comment apprécier les services de nos autorités, ces apôtres, prophètes et enseignants dont parle l’apôtre Paul dans sa lettre aux Corinthiens ; comment réaliser la communion avec nos frères et sœurs aînés, par exemple nos défunts, les saints et surtout Marie, la mère de Jésus, celle qu’il nous a lui-même donnée pour mère. Heureusement, nous avons déjà en commun la Parole de Dieu, la Bible, avec ses trésors de vérités à connaître et à vivre. Vous l’avez entendu, Jésus a pu dire chez lui à Nazareth : « Aujourd’hui s’accomplit cette Ecriture que vous venez d’entendre. » Connaître et mettre en pratique l’Evangile : tout nous invite à le faire tous ensemble dès maintenant. Et rien ne nous empêche d’appliquer ensemble le programme d’engagements présenté par Jésus lui-même à la synagogue de son village : « Porter la bonne nouvelle aux pauvres, ouvrir les yeux des aveugles, remettre en liberté les opprimés, etc… » Avec la grâce de Dieu évidemment. Le pape saint Jean-Paul II a défini l’œcuménisme comme un « échange de cadeaux ». Autrement dit chacun a quelque chose à offrir et quelque chose à recevoir…offrir à l’autre…recevoir de l’autre. A une condition : que celui qui estime être assez doté pour avoir à offrir le fasse avec respect et humilité, sans arrogance ni orgueil. Et que celui qui estime avoir à recevoir, qu’il l’accepte avec la même humilité, mais sans se sentir humilié, plutôt avec reconnaissance. A coup de cadeaux échangés et partagés, sans jamais brandir la comptabilité des meilleurs et des moins bons, nous parviendrons un jour, sous la guidée de l’Esprit, à nous retrouver tellement proches, tellement frères et sœurs, que le partage eucharistique à la Table enfin commune deviendra une bienheureuse évidence, la causse d’une nouvelle joie. Prions à cette intention. Agissons à cette intention. Car vous êtes bien tous, mais chacun pour sa part, le corps du Christ. Claude Ducarroz

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