Homélie
+ PIERRE HUWILER
La vie est une chanson. Surtout la vie d’un
compositeur de musique et de chants. Pierre nous a tellement aidés et incités à
chanter. Sa vie chante encore pour nous. Il est en personne un chant. Aujourd’hui
et au-delà évidemment.
A la source de ce chant, une portée, tout un
programme. Oui, cette base toute humaine, l’humus familial : des parents,
des frères et sœurs, une chorale d’amour, qui exalte la vie, avec une
merveilleuse figure à la clef, l’oncle et parrain Pierre. L’abbé Kaelin,
inoubliable. Le petit Pierre avait de qui tenir. Il a tenu, il est devenu
lui-même, il fut –non, il est encore-, lui aussi inoubliable : Pierre
Huwiler, notre frère, notre ami, notre enchanteur d’amour et de vie.
Sur la portée de sa vie, Pierre a tellement écrit,
des musiques et des chansons, pas dans un conservatoire qui sentirait le
renfermé, mais sur le vaste horizon de l’imagination, de la créativité, de la
générosité débordante.
Toujours plein d’idées et à l’affut de nouveaux
projets, il était une sorte d’alchimiste de la musique populaire, dans le plus
noble sens de ce mot. Capter les musiques du vaste monde, non pour copier mais
pour transfigurer, et servir sur toutes les tables fraternelles des cadeaux
d’émotions et de messages, comme on partage le pain et le vin.
Chez lui, la joie des mélodies pouvait se
marier avec la profondeur du propos, comme une cantilène d’humanisme poétique.
Puis-je ajouter que mon frère Bernard -entre
autres- a été un serviteur
particulièrement fécond de cette intense et amicale collaboration ? Pierre
savait d’ailleurs le reconnaître.
L’un donnait le texte, l’autre le ton, et la
musique enchantait le tout, sur les ailes d’une bonne nouvelle jetée au vent de
toutes les solidarités. C’était un évangile tantôt laïc, tantôt religieux, mais
toujours destiné à créer de nouvelles communions, humaines et donc chrétiennes.
Car Pierre Huwiler ne composait pas pour se
sculpter une statue de créateur élitiste. Il composait des chants…pour qu’on
les chante, tout simplement. Et que les chantent les gens, sans barrière et
sans frontière, pour manifester leur joie, pour consoler des tristesses, pour
exprimer la foi.
Dans les églises ou dans les halles de fête, il
fallait chanter, et si possible que tous chantent, ou écoutent comme s’ils
chantaient aussi.
Car nous nous sentions rejoints dans notre
humanité par toutes les gammes des bons et beaux sentiments de Pierre, portés
par les notes, tantôt témoins de sa fourmillante fantaisie, tantôt rayonnement de
sa chaleureuse empathie. Et même nos larmes devenaient des perles qui brillent
au bord de nos yeux éblouis.
Au festin de la beauté, marquée par son talent
personnel, il ajoutait toujours de nouvelles dimensions. Par ses sources
d’inspiration et par ses expressions originales, il savait enrichir notre
esprit, dilater notre cœur, élargir l’espace de nos tentes un peu trop
helvétiques.
Quand il dirigeait, sans être théâtral, ses
bras brassaient les chœurs et les cœurs comme on pétrit le monde ; ses
doigts pointaient la perfection esthétique, et l’on pouvait lire dans son
visage et dans ses yeux sa volonté émouvante de faire passer un immense amour,
tout en sourire.
Merci, Pierre. Et aussi merci à celles et ceux
qui ont si bien interprété ses musiques et ses chants.
Est-ce à dire que ce beau concert est terminé,
que les lumières multicolores –comme sa vie- vont maintenant s’éteindre, qu’il
reste seulement des souvenirs bénis, parce que le compositeur et le chef de
chœur nous a quittés, pour notre tristesse et pour nos regrets ?
Il s’est envolé juste avant Noël, à l’heure où
les anges s’adonnent aux dernières répétitions en vue de la douce et sainte
nuit.
Noël, c’est un enfant,
n’est-ce pas Pierre…et Bernard ?
Mais, heureusement pour nous, et pour toi,
Pierre, l’enfant de Noël a bien grandi. Il a lancé par sa vie, sa mort et sa
résurrection un chant nouveau qui submerge ce monde, une mélodie du bonheur
éternel, une bonne nouvelle en forme d’alleluia, un concert inextinguible.
La symphonie de cette vie-là est tellement plus
résistante que toutes les maladies et plus puissante que la mort elle-même.
Cette promesse vaut pour tout le monde, y compris pour ceux qui n’y croient pas
ou ont de la peine à y croire, par exemple devant les épreuves de l’existence.
Là où il y a de la vraie vie partagée, là où il
y a un authentique amour, Dieu est là, avec son Royaume promis. Et là où quelqu’un
a semé de la beauté, par exemple en créant ou en interprétant de la musique
pour alléger ou enchanter les autres, alors il y a de l’éternel qui a commencé
au milieu de nous, et qui ne saurait s’éteindre.
Bien sûr, ça n’empêche pas le chagrin d’avoir
perdu un être cher, ò combien ! Mais les énergies de la Pâque peuvent même
faire sourire nos larmes, faire chanter nos pleurs, transfigurer nos questionnements
en confiance pour des lendemains de vie plus forte que la douloureuse morsure
de la mort.
Créer de la beauté, c’est un défi à cette mort.
Les artistes sont des veilleurs de l’éternel, des gardiens de l’amour durable, comme
les anges de Noël qui se sont tous retrouvés au rendez-vous du matin de Pâques.
Divine surprise !
J’ose le croire et le dire, sans l’imposer à
personne mais en le proposant à vous tous : même aujourd’hui, même
maintenant, avec Pierre, on peut encore chanter l’alleluia.
Claude Ducarroz
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