mercredi 4 avril 2012

Méditation du Jeudi Saint 2012

Méditation du Jeudi-Saint 2012

Ceci est mon corps. Quel corps ?
Faites cela. Quoi, cela ?

Ce premier corps de Jésus, nous le recevons des bras de sa mère, tel que le Verbe l’a cueilli comme le fruit de son libre oui, à l’Annonciation. Jésus n’est pas un fantôme. Il est le Fils de Dieu fait chair, né d’une femme d’Israël. Jésus n’avait pas un corps, il était son corps, le cadeau du premier Noël, le fils de Joseph le charpentier.
Et pour quoi faire ? Une femme dans la foule s’est permis cette béatitude à la fois charnelle et mystique, qu’il faut entendre dans sa version originelle : « Heureux le ventre qui t’a porté et les seins que tu as sucés ! » (Lc 11,27).
Pour la joie de Marie et pour le réalisme de l’incarnation, avec Elisabeth à la Visitation, redisons : « Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni ! » Lc 1,42.
Faites cela, c’est admirer, respecter, vénérer le corps humain, en toutes ses dimensions, car Dieu a pris vrai corps en Jésus-Christ. En un mot se souvenir sans cesse que « notre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en nous » et faire ce qui est rappelé là-haut : « Glorifiez donc Dieu par votre corps ! » ICo 6,19 et 20.

Ceci est mon corps. Quel corps ?
Faites cela. Quoi, cela ?
Le deuxième corps de Jésus, nous le recueillons ce soir des mains de l’Eglise, notre mère à sa façon. Il est remis à notre coeur de croyant en passant par le corps à corps eucharistique. Dans le geste du partage du pain, dans le signe du vin offert, c’est ce même corps qui nous est donné, pour jeter en nous une semence de vie éternelle.
Jésus a voulu rester au milieu des siens non pas seulement dans un souvenir de mémoire intellectuelle, mais dans le mémorial de sa présence concrète. Désormais, parce qu’il est ressuscité, son corps jadis mortel est encore disponible pour ceux qui ont faim et soif de lui. Car la résurrection n’est pas l’évaporation de Jésus, mais la fixation réaliste de sa proximité humaine avec nous.
Entré dans sa gloire, le Christ ne meurt plus. Il demeure donc sous ces humbles signes qui lui permettent d’être partout à la fois, là où des croyants, entrainés par des serviteurs consacrés, appellent sa venue, accueillent son actualité, communient à sa palpitante cordialité intérieure. Il nous faut seulement, faire et refaire comme lui, et lui fait tout le reste. « Prenez, mangez, prenez, buvez… » Prenez…

Ceci est mon corps. Quel corps ?
Faites cela. Quoi, cela ?
Le troisième corps de Jésus, c’est l’extension mystérieuse de son corps eucharistique, c’est l’Eglise, c’est nous.
Un apôtre exceptionnel –pourtant il n’était pas à la première Cène- s’est permis une révélation merveilleuse. Le corps de la messe engendre un corps communautaire. Paul l’écrit aux chrétiens de Corinthe : « Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, à nous tous, nous ne formons qu’un seul corps… ICo 16-17. Vous êtes le corps du Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. » ICo 12,27.
L’eucharistie a une étonnante fécondité. Si quelque part l’Eglise fait l’eucharistie, par ses ministres et pour le peuple de Dieu, c’est l’eucharistie qui ne cesse de faire Eglise, de bâtir l’Eglise, dans le rassemblement multicolore de ses membres solidaires, dans la variété des services et des charismes.
L’Eglise est secouée, parfois critiquée, souvent remise en question. Que faire ? D’abord se laisser façonner en Eglise par le pain de vie, se laisser pétrir de manière eucharistique pour devenir peu à peu ce que nous sommes depuis notre baptême, dans la dynamique de l’Esprit : le corps fraternel du Seigneur.
A condition qu’il soit fraternel, évidemment.

Ceci est mon corps. Quel corps ?
Faites cela. Quoi, cela ?
Alors là, il faut accepter d’accompagner le Christ au plus bas, en sachant que personne d’autre que lui ne prendra jamais la dernière place. Il l’a squattée pour toujours, de la crèche à la croix, et ce soir dans la grande démonstration du lavement des pieds.
Etait-ce avant ou après l’eucharistie ? Peu importe, c’était le même mouvement d’amour, la même mise en cène -en sainte cène-, et la même invitation toujours actuelle : « C’est un exemple que je vous ai donné. Ce que j’ai fait pour vous, faite-le, vous aussi. » En ajoutant cette béatitude dont on n’abusera jamais parce qu’elle doit être mise en pratique sans modération : « Sachant cela, heureux serez vous si vous le faites. » Jn 13,15 et 17.

Laver les pieds de son prochain, c’est toucher le corps béni du Seigneur lui-même, en allant avec Jésus dans quelques détails complémentaires. « J’avais faim, j’avais soif, j’étais nu, j’étais étranger, j’étais prisonnier, j’étais malade » etc…
Il faut sans cesse réactualiser la liste, mais la conclusion est toujours la même : « Tout ce que vous faites à ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites. Mt 25,40. Ou pas !


Du corps de Jésus l’enfant de Marie, au corps eucharistique de chacune de nos messes, en passant par le corps communautaire de l’Eglise, jusqu’au corps brisé des pauvres que l’on aime à cause de Jésus : tout devient corps en transfiguration vers la gloire sous les poussées de l’amour en actes, dans le baiser de toutes les formes de charité.

Il nous faut faire du Jeudi-Saint le quotidien de notre existence chrétienne, car c’est le jour de tous les cadeaux.
Oui, il y a toujours un corps qui nous aime, - celui du Christ ressuscité- et un corps à aimer -celui de notre prochain encore crucifié.

Claude Ducarroz

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