mercredi 28 mars 2018

Jeudi Saint 2018

Jeudi Saint 2018

Un match d’évangile en trois temps. Voulez-vous jouer avec Jésus ?

Le premier temps pourrait s’appeler la mémoire. Nous sommes invités à nous souvenir.
Et d’abord les Hébreux. C’est le sens du livre de l’Exode. Il ne faut pas qu’ils oublient ce qui s’est passé jadis, lors de la libération de l’esclavage d’Egypte. Oui, le Seigneur Dieu les a arrachés à la servitude pour en faire un peuple maître de son destin, lancé sur les chemins d’une histoire sainte.
 Tu es devenu le peuple de Dieu. Souviens-toi, Israël !

Et pour cela, tout au long des années qui passent, il faut que ce peuple célèbre un mémorial. Pas une simple commémoration qui ranime de vieux souvenirs, mais une liturgie qui re-présente ce qui s’est passé. Oui, que toutes les générations puissent comme revivre l’évènement fondateur et libérateur, à travers des paroles et des rites qui effacent la distance et réactualisent la merveille. Tel est le cérémonial de l’agneau pascal, « d’âge en âge, vous le fêterez », dit le Seigneur.

Mais cela ne suffit pas. La tradition,  ce n’est pas remuer les cendres d’un passé, c’est transmettre la flamme qui éclaire et fait resplendir un présent. A chaque étape de sa longue aventure avec Dieu, des prophètes ont rappelé à Israël comment réaliser concrètement sa vocation de peuple de Dieu appelé à la liberté et à la fidélité.
Et tout le reste n’est que vaine nostalgie religieuse.

Le même scénario se reproduit dans la vie de l’Eglise, pour nous ce soir.

D’une part avec la sainte cène.  Nous savons ce qui s’est passé avec Jésus la veille de sa mort, comment il a partagé le pain et le vin en signe concret du don total de lui-même –à la vie et à la mort- pour notre salut. En ajoutant justement : « Faites cela en mémoire de moi. » Quelle mémoire ? Un rite qui ranime un émouvant souvenir en mimant les gestes de Jésus, comme dans un théâtre de dévotion ?

Beaucoup plus que ça. Car « ceci est mon corps, ceci est mon sang.  Et proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne », recommande l’apôtre Paul.
A la messe, nous ne sommes pas les témoins d’une pieuse mise en scène plus ou moins mystique. Nous sommes les invités à une cène réaliste dans laquelle Jésus continue de s’offrir à Dieu et de se donner à nous afin que, ainsi qu’il l’a promis, nous vivions en lui et lui en nous, comme des promis à la résurrection.

Mais cela ne suffit pas non plus. Qu’est-ce qu’être un chrétien pratiquant ? Certes, celui qui vient se nourrir de l’eucharistie, corps et sang du Seigneur, mais surtout celui qui met en pratique ce mystère, dans l’actualité de sa vie, en Eglise, mais aussi dans sa manière de vivre dans le monde.

Faire cela en mémoire de Jésus, c’est mener une vie eucharistique, en présentant notre existence à Dieu comme une liturgie de louange, en travaillant dans l’Eglise pour qu’elle devienne la maison de la fraternité en actes, autour de la table, mais aussi dans les multiples occasions de partages communautaires.
Et enfin en irriguant notre société par l’eau vive de nos efforts pour la rendre plus humaine, selon le dessein de son créateur.

Comment tout cela ?

C’est la deuxième mémoire et le deuxième mémorial de cette célébration. Vous aurez remarqué. Après avoir lavé les pieds de ses disciples, Jésus leur a dit, comme après l’institution de l’eucharistie : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». Encore une invitation à reproduire ses gestes, pas seulement dans un rite religieux, mais dans une application concrète au cœur de l’existence.

Que les pratiquants de l’eucharistie deviennent les pratiquants du lavement des pieds, autrement dit de l’esprit de service. C’est clair : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. »

Quand avons-nous lavé les pieds de quelqu’un pour la dernière fois ? Quand allons-nous le faire une prochaine fois, dans l’esprit du maître devenu serviteur ?
A la maison par exemple, dans les relations conjugales et familiales. Entre voisins et dans nos milieux de travail et de loisirs. Sans oublier les engagements plus larges, dans la politique, l’économie, la culture, l’écologie.
Oui, partout, on peut être un chrétien bien dans sa peau, mais avec un linge noué à la ceinture ou un tablier de cuisine, dans l’humble majesté du service fraternel.


Et surtout dans la joie. Ne l’oublions jamais. A la messe, l’invitation à la table eucharistique est ainsi formulée : « Heureux les invités au repas du Seigneur. » Et après avoir rangé le linge et le tablier du lavement des pieds, Jésus a dit à ses disciples : « Heureux êtes vous si vous le faites. » Oui, « heureux » !

Que du bonheur !

                                               Claude Ducarroz


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