mercredi 28 mars 2018

Vendredi Saint 2018

Vendredi Saint 2018

Vendredi Saint. Lecture de la passion selon saint Jean. La passion dans laquelle Jésus s’exprime le moins quand il est sur la croix. Et tout ce qu’il dit est propre à cet évangile-là.
Quelques paroles arrachées à la douleur et au silence.

Approchons. Glissons nous près du petit groupe des rescapés de la tragédie. Ils sont cinq en tout, tout près de la croix, note l’évangéliste. Quatre femmes et seulement un homme. Comme on ne connaît pas son nom et qu’il est désigné comme « le disciple que Jésus aimait », nous pouvons tenir sa main dans la nôtre. Et écouter. Et entendre. Regarder, puis fermer les yeux. Et pleurer. Et prier. Et nous laisser aimer.

Femme, voici ton fils. Voici ta mère.

Il avait tout remis, y compris son esprit dans les mains de son Père. Il allait bientôt tout donner, y compris sa propre vie, jusqu’à la dernière goutte de sang coulant de son cœur transpercé. Il lui restait sa mère, la femme debout, la maman qui ne peut abandonner son enfant, quoi qu’il arrive, quoi qu’il lui arrive.
Il la donne aussi ou plutôt il l’invite à se donner elle-même, dans le même élan du même amour, dans l’ardeur du même sacrifice.
Et comment donc ? En acceptant, en accueillant le disciple, tous les disciples, au titre de nouveaux fils.
Oui, en devenant leur mère comme elle était la sienne. Au moment de mourir, ultime parole, ultime cadeau, Jésus fait don de sa mère à l’Eglise. Il fait don de l’Eglise à sa mère.

Encore faut-il que le disciple la prenne chez lui. Dans le mystère de la croix de Jésus, il y a une dimension mariale. Les chrétiens - tous les chrétiens- devraient pouvoir se retrouver pour accueillir la femme qui les accueille, la mère qui les aime dans l’immense augmentation de sa maternité. Et la prendre chez eux.

J’ai soif.

Comment n’aurait-il pas soif, après tout ce qu’on lui a fait ? Il a soif, mais dans la bouche du sauveur du monde, ce n’est pas une anecdote, qu’un peu de vinaigre pourrait calmer.
Il a soif parce que son corps brûle. Il communie alors à tous les persécutés du monde, depuis les victimes de la soif physique au milieu de tous les déserts inhumains, jusqu’aux broyés des guerres et des violences de toutes sortes.

Il a soif par le cœur en abritant dans le sien tous les affamés d’amour, les assoiffés de dignité, les avides de justice et de paix.
Et il a surtout soif d’accomplir jusqu’au bout la volonté de salut du Père en attirant du haut de sa croix les foules humaines en mal de bonheur. L’amant divin devient un aimant capable de tout récapituler en lui par son sang versé.
 Oui, il a soif de nous. Avons-nous, tant soit peu, soif de lui, de son amour, de sa vie offerte, donc de son corps et de son sang eucharistiques ?

 Avons-nous soif de son Esprit, celui qui convertit les cœurs par la miséricorde  -le cœur de Dieu ouvert sur toutes les misères-, celui qui guide l’Eglise sur les chemins arides de l’histoire humaine, celui qui veille et travaille au secret de chaque personne de bonne volonté pour l’humaniser à l’image de Jésus ?
Il a soif de nous. Si nous avons soif de lui, il est temps de boire ensemble aux sources  de ce cœur d’où ne cessent de couler sur le monde le sang et l’eau de la vraie vie.
Nous allons bientôt communier.

Tout est accompli.

C’est fini. Puisqu’il meurt, il a fini de souffrir. Il peut maintenant reposer dans la paix. D’ailleurs, on va le descendre de la croix et le déposer bientôt dans son tombeau. On ferme. C’est terminé. Passons à autre chose.

Jésus est allé jusqu’au bout parce qu’il nous a aimés jusqu’au bout, dans cette tendresse divine qui ne connaît aucune mesure, aucune trêve.
Tout est achevé puisqu’il a révélé le visage du Père, livré la plénitude de sa vie, remit son Esprit sans rien retenir. Le sacrifice trinitaire est vraiment accompli.

Et pourtant il reste tant à faire, à commencer par la résurrection qui ne saurait tarder afin que le fleuve d’amour inauguré sur la croix imprègne le monde et finisse par se perdre, et nous avec lui, dans la vie éternelle.
Bien sûr, il n’y a rien à ajouter puisque tout est accompli dès lors que tout est donné, pardonné, abandonné. Mais il nous reste à continuer de semer avec Jésus vivant,  d’âge en âge, les semences pascales dont son cœur déborde désormais pour féconder l’Eglise, pour transformer l’univers, pour transfigurer le royaume qui vient.

Nous n’avons pas à réinventer la croix. Nous avons seulement à la laisser rayonner en nous, dans l’Eglise, sur toute l’humanité.

Oui, accomplir aujourd’hui ce qui est tout accompli depuis le premier vendredi saint, parce qu’il y eut Pâque.
 Sans déserter la croix où le baptême nous a engendrés, ne sommes-nous pas les enfants de la résurrection ?

                                   Claude Ducarroz


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