Vendredi Saint 2018
Vendredi Saint. Lecture de la passion selon
saint Jean. La passion dans laquelle Jésus s’exprime le moins quand il est sur
la croix. Et tout ce qu’il dit est propre à cet évangile-là.
Quelques paroles
arrachées à la douleur et au silence.
Approchons. Glissons nous près du petit groupe
des rescapés de la tragédie. Ils sont cinq en tout, tout près de la croix, note
l’évangéliste. Quatre femmes et seulement un homme. Comme on ne connaît pas son
nom et qu’il est désigné comme « le disciple que Jésus aimait », nous
pouvons tenir sa main dans la nôtre. Et écouter. Et entendre. Regarder, puis
fermer les yeux. Et pleurer. Et prier. Et nous laisser aimer.
Femme, voici ton fils. Voici ta mère.
Il avait tout remis, y compris son esprit dans
les mains de son Père. Il allait bientôt tout donner, y compris sa propre vie,
jusqu’à la dernière goutte de sang coulant de son cœur transpercé. Il lui
restait sa mère, la femme debout, la maman qui ne peut abandonner son enfant,
quoi qu’il arrive, quoi qu’il lui arrive.
Il la donne aussi ou plutôt il l’invite à se
donner elle-même, dans le même élan du même amour, dans l’ardeur du même
sacrifice.
Et comment donc ? En acceptant, en accueillant
le disciple, tous les disciples, au titre de nouveaux fils.
Oui, en devenant leur mère comme elle était la
sienne. Au moment de mourir, ultime parole, ultime cadeau, Jésus fait don de sa
mère à l’Eglise. Il fait don de l’Eglise à sa mère.
Encore faut-il que le disciple la prenne chez
lui. Dans le mystère de la croix de Jésus, il y a une dimension mariale. Les
chrétiens - tous les chrétiens- devraient pouvoir se retrouver pour accueillir
la femme qui les accueille, la mère qui les aime dans l’immense augmentation de
sa maternité. Et la prendre chez eux.
J’ai soif.
Comment n’aurait-il pas soif, après tout ce
qu’on lui a fait ? Il a soif, mais dans la bouche du sauveur du monde, ce
n’est pas une anecdote, qu’un peu de vinaigre pourrait calmer.
Il a soif parce que son corps brûle. Il
communie alors à tous les persécutés du monde, depuis les victimes de la soif
physique au milieu de tous les déserts inhumains, jusqu’aux broyés des guerres
et des violences de toutes sortes.
Il a soif par le cœur en abritant dans le sien
tous les affamés d’amour, les assoiffés de dignité, les avides de justice et de
paix.
Et il a surtout soif d’accomplir jusqu’au bout
la volonté de salut du Père en attirant du haut de sa croix les foules humaines
en mal de bonheur. L’amant divin devient un aimant capable de tout récapituler
en lui par son sang versé.
Oui, il
a soif de nous. Avons-nous, tant soit peu, soif de lui, de son amour, de sa vie
offerte, donc de son corps et de son sang eucharistiques ?
Avons-nous
soif de son Esprit, celui qui convertit les cœurs par la miséricorde -le cœur de Dieu ouvert sur toutes les
misères-, celui qui guide l’Eglise sur les chemins arides de l’histoire
humaine, celui qui veille et travaille au secret de chaque personne de bonne
volonté pour l’humaniser à l’image de Jésus ?
Il a soif de nous. Si nous avons soif de lui, il
est temps de boire ensemble aux sources
de ce cœur d’où ne cessent de couler sur le monde le sang et l’eau de la
vraie vie.
Nous allons bientôt communier.
Tout est accompli.
C’est fini. Puisqu’il meurt, il a fini de
souffrir. Il peut maintenant reposer dans la paix. D’ailleurs, on va le
descendre de la croix et le déposer bientôt dans son tombeau. On ferme. C’est
terminé. Passons à autre chose.
Jésus est allé jusqu’au bout parce qu’il nous a
aimés jusqu’au bout, dans cette tendresse divine qui ne connaît aucune mesure,
aucune trêve.
Tout est achevé puisqu’il a révélé le visage du
Père, livré la plénitude de sa vie, remit son Esprit sans rien retenir. Le
sacrifice trinitaire est vraiment accompli.
Et pourtant il reste tant à faire, à commencer
par la résurrection qui ne saurait tarder afin que le fleuve d’amour inauguré
sur la croix imprègne le monde et finisse par se perdre, et nous avec lui, dans
la vie éternelle.
Bien sûr, il n’y a rien à ajouter puisque tout
est accompli dès lors que tout est donné, pardonné, abandonné. Mais il nous
reste à continuer de semer avec Jésus vivant,
d’âge en âge, les semences pascales dont son cœur déborde désormais pour
féconder l’Eglise, pour transformer l’univers, pour transfigurer le royaume qui
vient.
Nous n’avons pas à réinventer la croix. Nous
avons seulement à la laisser rayonner en nous, dans l’Eglise, sur toute
l’humanité.
Oui, accomplir aujourd’hui ce qui est tout
accompli depuis le premier vendredi saint, parce qu’il y eut Pâque.
Sans déserter
la croix où le baptême nous a engendrés, ne sommes-nous pas les enfants de la
résurrection ?
Claude
Ducarroz
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