Nuit de Pâques 2018
« Je t’aime ! »
Il nous arrive à tous de dire – et peut-être
même de répéter- cette petite phrase gorgée de sentiments et d’émotions. Je
t’aime : c’est écrit, chanté, dessiné, soupiré un peu partout, avec le
risque que ces mots deviennent banals, jusqu’à être un peu usés.
Et pourtant ces trois petits mots contiennent
un brûlant mystère. Je t’aime, ça veut dire : « Je ne veux pas ou je
ne voudrais pas que tu meures ».
Dans toutes les déclarations d’amour, surtout
quand elles s’habillent de poésie, amour rime avec toujours. Il y a entre
l’amour et la mort une contradiction qui fait peur, qui blesse et qui révolte.
Les amoureux vrais estiment qu’ils ne devraient jamais cesser d’aimer et d’être
aimés. Et c’est bien ce qu’ils souhaitent.
En vain, car voici que nous sommes mortels,
tous, y compris les grands amoureux et les ardents amants.
Faut-il alors se résigner à la victoire de la
mort sur l’amour ? Faut-il, dans la colère peut-être, accepter que nos
amours viennent échouer près des tombeaux comme l’eau de la mer sur les rochers
indifférents des falaises impavides ?
A ces questions, qui taraudent tôt ou tard tous
ceux et toutes celles qui aiment de tout leur être, la réponse a surgi un
certain matin près de Jérusalem.
Parce que Dieu est Amour, il se devait
absolument de vaincre la mort définitivement. Il aurait pu le manifester
théoriquement, dans l’abstrait, comme un grand philosophe de génie qui se
contenterait de sublimes déclarations, d’en haut.
Non. Il l’a fait en un homme mortel, au
surlendemain de sa mort, parce qu’elle était justement une mort par amour. Par
amour de Dieu et par amour de nous.
C’est au fond de la mort que la mort a été
terrassée par l’amour du Dieu vivant.
Telle est la révolution qui change tout dans
nos vies personnelles, dans la finalité de l’histoire humaine et dans le destin
de tout l’univers.
Un mortel est sorti vivant du tombeau. Un mort
est devenu un vivant qui ne meurt plus. Un humain est entré dans le royaume de
Dieu pour partager le bonheur éternel de son créateur et père.
Le porteur de cette bonne nouvelle -en vérité cette bonne nouvelle en personne-,
n’a pas voulu échapper à notre condition mortelle pour nous assurer du triomphe
de Dieu sur la mort et sur le mal. Il n’a pas cherché à contourner la mort, à
faire semblant d’être comme nous. Pour être avec nous pleinement, en divine
solidarité, il s’est fait l’un de nous, né d’une femme, et donc vulnérable,
fragile et finalement mortel. En tout semblable à nous, il est venu nous
chercher là où nous sommes, et parfois très bas, tout en bas, pour nous entraîner après lui, avec lui, dans une vie
immortelle.
Son humanité transfigurée sera la nôtre
aussi. Dans la grande attraction de son
amour, en nous disant et redisant sans cesse « Dieu est amour, donc il
t’aime », il fait en sorte que, même si nous demeurons mortels ici-bas,
nous ne mourrions plus jamais, une fois parvenus dans son royaume. Car nous
serons tenus solidement dans le baiser de son amour, comme un enfant dans les
bras de sa maman. Dans la tendresse et dans la gloire.
La résurrection du Christ est le sommet de
notre histoire. Pas seulement parce que le Christ est ressuscité, vraiment
ressuscité, mais parce que, depuis ce matin-là, nous sommes des promis à la
résurrection, nous aussi. L’ADN de Pâques coule dans nos veines humaines. Nous
sommes programmés pour la vie éternelle. « Car là où je suis, promet Jésus,
vous serez aussi avec moi »,
ce qui change radicalement et notre vie et
notre mort.
Autrement dit, chaque fois qu’en ce monde, un humain
dit à un autre humain, avec la sincérité du cœur et la démonstration des actes
« Je t’aime », c’est un soupir vers Pâques, c’est une prière vers le
Vivant, c’est un pas vers le Royaume de Dieu.
Pas par nos propres forces, mais parce que le
Christ pascal a fait rimer amour avec toujours en sortant vivant du tombeau,
justement pour nous faire passer de nos amours minuscules à l’Amour majuscule
qu’est Dieu.
L’apôtre Jean a commenté ainsi :
« Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie parce que
nous aimons nos frères et sœurs. »
Tout est dit. Pâques,
c’est l’amour. Et l’amour, c’est Pâques.
Claude
Ducarroz
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