Où est l’Amazonie ?
Dans la
foulée de son encyclique Laudato sì
sur la sauvegarde de la maison commune et la promotion d’une écologie intégrale
(2015), le pape François a eu le courage prophétique de passer aux travaux
pratiques en convoquant au Vatican un synode extraordinaire sur l’Amazonie.
Sur le versant écologique, le bilan est audacieux,
à la mesure des agressions qui blessent ce vaste territoire et impactent ses
populations de manière cruciale. On aurait pu se contenter d’une problématique
régionale, découplée du reste du monde. Or le document final nous implique tous
dans le sauvetage de cette portion de notre planète. De même que la
responsabilité globale est en jeu dans les causes des crises écologiques qui
affectent ces terres et leurs habitants, ainsi la solidarité internationale
doit se montrer active pour apporter des solutions humaines à ces questions
vitales. L’Amazonie, c’est loin, là-bas. Mais, pour soigner ses maux, nous devons
tous nous mobiliser. Peu ou prou, nous sommes tous un peu Amazoniens, pour le
meilleur ou pour le pire.
Avec sa grande intelligence pastorale, le pape
avait assigné aussi au synode le devoir de réfléchir sur la mission et la vie
de notre Eglise dans ces territoires isolés. Le diagnostic est impitoyable. A
côté de germes d’évangile prometteurs, des renouveaux urgents doivent être mis
en œuvre pour une présence d’Eglise qui soit à la fois fidèle au message du
Christ et profondément enracinée dans les cultures respectées de ces peuples.
Pour assurer un meilleur dynamisme missionnaire, des questions délicates ont
été empoignées à bras le corps : le rôle actif des laïcs, les
responsabilités pastorales des femmes, la vie et le ministère des prêtres,
l’inculturation de la liturgie, etc… Et aussitôt sont apparus des clivages qui
risquent bien d’enliser les quelques audaces prophétiques dans les sables des
traditions les plus frileuses.
Un éventuel diaconat pour les femmes ?
Après la mort clinique d’une précédente commission d’étude, on peut essayer de
la ranimer ! Des ministères reconnus dans l’animation des communautés par ces
mêmes femmes ? On va réfléchir ! Sans déroger à la tradition du
célibat obligatoire pour les prêtres de l’Eglise latine, ne pourrait-on pas –à
certaines conditions et exceptionnellement- ordonner des hommes mariés ?
Peut-être, mais seulement s’ils sont d’abord des diacres aguerris. Et le tout, uniquement
avec l’autorisation du pape, au cas par cas.
Derrière ces velléités plutôt que ces volontés,
je subodore une peur. On redoute celles et ceux qui estimeraient qu’il y a
aussi, ecclésialement, des Amazonies hors de l’Amazonie. Quand un prêtre, âgé
ou fatigué, parcourt un vaste territoire pour assumer la pastorale dans 10, 20
ou 30 paroisses –des clochers, comme on dit poétiquement en France-, ne sommes-nous
pas un peu en Amazonie ? Y compris chez nous. Même s’il peut compter sur
le dévouement admirable des laïcs, à commencer par les femmes ! On
pourrait ajouter d’autres exemples.
Si le synode, du point de vue de l’avenir de
notre Eglise, aboutit à clôturer hermétiquement l’Amazonie dans ses exceptions
pour éviter toute contagion des réformes ailleurs, malgré les besoins avérés et
les désirs répétés du peuple chrétien, on aura peut-être avancé en Amazonie,
mais reculé chez nous.
Seigneur, accorde-nous
la grâce de la patience.
Sans perdre celle de
l’impatience !
Claude Ducarroz
Ce commentaire a paru
sur le site cath.ch le 30 octobre 2019
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