mardi 29 octobre 2019

Après le synode sur l'Amazonie

Où est l’Amazonie ?

 Dans la foulée de son encyclique Laudato sì sur la sauvegarde de la maison commune et la promotion d’une écologie intégrale (2015), le pape François a eu le courage prophétique de passer aux travaux pratiques en convoquant au Vatican un synode extraordinaire sur l’Amazonie.

Sur le versant écologique, le bilan est audacieux, à la mesure des agressions qui blessent ce vaste territoire et impactent ses populations de manière cruciale. On aurait pu se contenter d’une problématique régionale, découplée du reste du monde. Or le document final nous implique tous dans le sauvetage de cette portion de notre planète. De même que la responsabilité globale est en jeu dans les causes des crises écologiques qui affectent ces terres et leurs habitants, ainsi la solidarité internationale doit se montrer active pour apporter des solutions humaines à ces questions vitales. L’Amazonie, c’est loin, là-bas. Mais, pour soigner ses maux, nous devons tous nous mobiliser. Peu ou prou, nous sommes tous un peu Amazoniens, pour le meilleur ou pour le pire.

Avec sa grande intelligence pastorale, le pape avait assigné aussi au synode le devoir de réfléchir sur la mission et la vie de notre Eglise dans ces territoires isolés. Le diagnostic est impitoyable. A côté de germes d’évangile prometteurs, des renouveaux urgents doivent être mis en œuvre pour une présence d’Eglise qui soit à la fois fidèle au message du Christ et profondément enracinée dans les cultures respectées de ces peuples. Pour assurer un meilleur dynamisme missionnaire, des questions délicates ont été empoignées à bras le corps : le rôle actif des laïcs, les responsabilités pastorales des femmes, la vie et le ministère des prêtres, l’inculturation de la liturgie, etc… Et aussitôt sont apparus des clivages qui risquent bien d’enliser les quelques audaces prophétiques dans les sables des traditions les plus frileuses.

Un éventuel diaconat pour les femmes ? Après la mort clinique d’une précédente commission d’étude, on peut essayer de la ranimer ! Des ministères reconnus dans l’animation des communautés par ces mêmes femmes ? On va réfléchir ! Sans déroger à la tradition du célibat obligatoire pour les prêtres de l’Eglise latine, ne pourrait-on pas –à certaines conditions et exceptionnellement- ordonner des hommes mariés ? Peut-être, mais seulement s’ils sont d’abord des diacres aguerris. Et le tout, uniquement avec l’autorisation du pape, au cas par cas. 

Derrière ces velléités plutôt que ces volontés, je subodore une peur. On redoute celles et ceux qui estimeraient qu’il y a aussi, ecclésialement, des Amazonies hors de l’Amazonie. Quand un prêtre, âgé ou fatigué, parcourt un vaste territoire pour assumer la pastorale dans 10, 20 ou 30 paroisses –des clochers, comme on dit poétiquement en France-, ne sommes-nous pas un peu en Amazonie ? Y compris chez nous. Même s’il peut compter sur le dévouement admirable des laïcs, à commencer par les femmes ! On pourrait ajouter d’autres exemples.

Si le synode, du point de vue de l’avenir de notre Eglise, aboutit à clôturer hermétiquement l’Amazonie dans ses exceptions pour éviter toute contagion des réformes ailleurs, malgré les besoins avérés et les désirs répétés du peuple chrétien, on aura peut-être avancé en Amazonie, mais reculé chez nous.

Seigneur, accorde-nous la grâce de la patience.
Sans perdre celle de l’impatience !

Claude Ducarroz


Ce commentaire a paru sur le site cath.ch le 30 octobre 2019

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