mardi 8 juin 2010

Homélie du pèlerinage aux Marches

Pèlerinage à Notre-Dame des Marches
9 juin 2010

Santé !
Que l’évangéliste Jean me pardonne. Il me semble que seul le mot « Santé » manque dans son récit des noces de Cana. Vous vous figurez : le vin qui fait défaut, une demande discrète de Marie, un ordre de Jésus, des serviteurs complices : et voilà de l’eau changée en vin, et pas peu puisque les spécialistes nous disent qu’il y en avait 600 litres. Et pas de la piquette puisque c’était le meilleur vin du repas. En plus : gratuit et à volonté. Je m’arrête parce que ça pourrait peut-être faire saliver quelques-uns parmi nous.
Santé ! J’ai dit santé ?

Pardonnez-moi, chers malades. Il y avait peut-être une provocation de mauvais goût dans cette expression festive, alors que vous êtes là justement avec votre manque de santé, vous dont la santé s’est envolée avec la maladie, l’infirmité, le grand âge et peut-être encore d’autres épreuves plus intimes, au niveau du cœur ou de l’esprit. Pour vous, n’est-ce pas ? la santé, c’est peut-être seulement un souvenir lointain, une nostalgie, un désir devenu irréalisable. Et qui sait ? comme je peux le comprendre : un cri, une révolte.

Au milieu d’un beau repas de mariage –repensez peut-être à votre mariage, vous les mariés parmi nous-, manque de vin : c’est un gros pépin, un peu comme une maladie sociale, qui paralyse, qui fait honte, surtout quand on ne sait pas comment sortir de ce mauvais pas.


C’est Marie qui voit la première, parce qu’elle est femme, parce qu’elle est maman, parce qu’elle a du coeur. « Ils n’ont plus de vin. » Plus encore, elle se dit qu’il faut faire quelque chose pour tirer ces gens de l’embarras, même si elle sait bien qu’elle ne peut rien faire elle toute seule.

A la suite des milliers de pèlerins qui sont venus en ces lieux depuis le 17ème siècle, vous savez que la mère de Jésus et notre mère voit nos misères, nos douleurs et nos pleurs, elle qui a aussi souffert et pleuré au pied de la croix de son fils mourant pour le salut du monde. Oui, Marie est proche, fraternelle, maternelle, avec chacun et chacune de nous, et surtout avec ceux qui sont dans le besoin. Aux Marches comme à Cana.

Mais ici aussi, Marie ne se contente pas de regarder avec compassion. Si elle ne peut rien faire toute seule, elle nous donne toujours la meilleure adresse pour qu’il se passe quelque chose, pour qu’il y ait un mieux, pour que la vie l’emporte sur les puissances de mort, qu’elle soit physique, morale, sociale ou spirituelle. Comme aux serviteurs, elle nous répète : « Faites tout ce que Jésus vous dira ». Et quand Jésus dit, lui, il fait. En direct parfois, par son Esprit le plus souvent, en nous intérieurement, et aussi par les serviteurs et les servantes qui obéissent à sa parole. « Remplissez d’eau les cuves », leur dit-il. Et il les remplirent jusqu’au bord. Et pourquoi ne serait-ce pas nous, aujourd’hui, ces serviteurs et ces servantes qui accomplissent la volonté d’amour de Dieu ?

Vous l’aurez remarqué. Pas d’abord pour eux-mêmes égoïstement –même si j’espère qu’il leur est resté quelques pichets pour trinquer après la fête-, mais pour les autres, car Jésus leur avait dit : « Maintenant puisez et portez au maître du repas ». Et ils lui en portèrent, note l’évangéliste.

C’est une des merveilles de la véritable charité, et c’est d’ailleurs là souvent la source du bonheur, au point de faire oublier parfois nos propres malheurs : trouver sa joie en faisant la joie des autres.
C’est Mère Teresa qui priait ainsi :
Seigneur, quand j’ai faim, donne-moi quelqu’un qui ait besoin de nourriture
Quand j’ai soif, envoie-moi quelqu’un qui ait besoin d’eau
Quand j’ai froid, envoie-moi quelqu’un à réchauffer
Quand je suis blessé, donne-moi quelqu’un à consoler
Quand je n’ai pas le temps, donne-moi quelqu’un que je puisse aider
Quand je suis découragé, envoie-moi quelqu’un à encourager
Quand j’ai besoin qu’on prenne soin de moi, envoie-moi quelqu’un dont j’aurai à prendre soin
Quand je ne pense qu’à moi, tourne mes pensées et mes prières vers autrui.
Résultat des courses à Cana : il y avait à nouveau du vin pour tout le monde, et de l’excellent. « Ce fut le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. »

Chers malades, chers pèlerins,
Vous portez certainement en vous cette question : comment contribuer, comme Marie, avec Marie, à ce que Jésus puisse encore « faire signe » dans le monde d’aujourd’hui, notamment auprès des jeunes et de ceux qui s’éloignent de la foi, quittent l’Eglise ou restent sur le seuil parce qu’ils estiment avoir de bonnes raisons de sortir ou de ne pas entrer ?
En une phrase : comment faire Eglise aujourd’hui, une Eglise de Cana, à la fois centrée sur le Christ –« faites tout ce que lui vous dira » - et accompagnée par Marie : « la mère de Jésus était là avec ses disciples. »

D’abord une bonne nouvelle : cette Eglise toute illuminée par l’Esprit de l’Evangile, elle est déjà là, elle est là : c’est vous, c’est nous tous.
Ce sont vous les malades et les personnes âgées, qui méditez la parole de Dieu, qui priez pour le monde et pour l’Eglise, qui offrez au Seigneur par amour les peines et les joies de vos existences cabossées par les épreuves.
C’est aussi vous, les hommes et les femmes, qui entourez de vos soins, de vos visites, de vos réconforts, toutes les personnes qui peinent et qui souffrent, que ce soit chez nous ou au loin, dans tous les réseaux de solidarité et d’entraide qui changent la météo de notre humanité par vos initiatives d’amour gratuit.

Voilà l’Eglise d’aujourd’hui. Elle sera essentiellement la même demain, à savoir celle qui annonce une foi toute ruisselante d’amour, celle qui proclame un évangile de tendresse et de compassion, celle qui, avec la force de l’Esprit puisé dans l’Eucharistie, l’Evangile, la prière et la fréquentation de Marie, transformera l’eau des larmes et des douleurs en vin de consolation et de courage pour les éclopés de la vie.

Malades ou bien portants, jeunes ou vieux, prêtres, diacres ou laïcs engagés : nous pouvons boire tous ensemble à la santé de cette Eglise-là, celle que nous formons, celle que nous continuerons à former, avec Jésus et Marie, aujourd’hui à Cana sur Broc, aux Marches en Galilée.
Claude Ducarroz

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