mercredi 2 juin 2010

Homélie Naïm

Homélie du 10ème dimanche du temps ordinaire

Un éclair, puis un chemin et finalement une maison : c’est le voyage auquel nous invite l’évangile de ce dimanche. Il est dit en effet que « Jésus était en route avec ses disciples, ainsi qu’une grand foule », avant de s’arrêter aux portes de la ville de Naïm.

L’éclair survient comme un coup de tonnerre dans la nuit. La nuit de la mort, la nuit du désespoir, la nuit de la désolation. On peut le comprendre, et peut-être certaines ou certains ont-ils vécu cela parmi vous : une veuve qui accompagne au cimetière son jeune fils unique. Il est difficile de trouver une tristesse plus inconsolable.
Et voici l’éclair au cœur de ces ténèbres. Seulement une petite phrase : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi ! ». Alors le mort se redressa, s’assit et se mit à parler.
Bien sûr, il faut nuancer. A proprement parler, il ne s’agit pas d’une résurrection puisque ce jeune est sans doute re-mort par la suite. La résurrection vraie, c’est évidemment revivre une fois pour toutes, entrer dans la gloire de Dieu et ne plus jamais mourir.
N’empêche que cet évènement extraordinaire retentit comme un coup de foudre au milieu de ces gens puisqu’il est dit : « La crainte s’empara de tous. Ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple. »

Quel prophète ? Quelle visite ? Pour dire quoi ?
La réponse est déjà là, mais elle sera exprimée définitivement plus tard : le Christ est le maître de la vie et de la mort. Ou plutôt son amour l’emporte sur les puissances de mort. Il l’a prouvé au matin de Pâques, lui qui avait dit à deux autres femmes éplorées, les soeurs de Lazare : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra…Crois-tu cela ? »
C’est ça, l’éclair qui a changé la météorologie de l’histoire humaine, qui donne un tout autre sens à notre vie et à notre mort. En re-suscitant le jeune homme de Naïm, Jésus préfigure et inaugure rien moins que le mystère pascal.

Et puis il y a le chemin. Comment annoncer cela, aujourd’hui encore, de manière crédible, comme c’est le devoir de l’Eglise, donc le nôtre. Il n’y a qu’une seule route sur laquelle nous devons marcher, c’est l’amour en actes, au jour le jour de notre existence. C’est ce que met en évidence la première lecture en racontant l’histoire du prophète Elie qui rend aussi la vie au fils d’une veuve. C’est ce que répètera l’apôtre Jean quand il écrit : « N’aimons pas avec des paroles et des discours, mais en actes et en vérité. »

Une fois de plus, c’est en suivant Jésus que nous trouverons les attitudes justes. Chez lui, quelle compassion, quelle action aussi ! En voyant le cortège funèbre, il est saisi de pitié, il dit à cette mère ! « Ne pleure pas », il touche la civière et, après avoir rendu la vie à ce jeune homme, délicatement, il le remet à sa mère. Des paroles, certes, mais surtout des gestes qui, le plus souvent, disent tellement plus que les paroles.

Notre Eglise passe par des moments bien difficiles, et ce n’est pas uniquement par la faute de certains prêtres. Dans notre société surtout, elle est remise en question, elle est parfois critiquée, voire rejetée puisque certains la quittent, y compris chez nous. Nous sommes placés devant tant de défis…à relever ! Que faut-il faire pour bien faire, pour mieux faire ?

Il nous faut rejoindre Jésus sur le chemin de Naïm. Il est là avec ses disciples, donc en Eglise. Mais il est aussi là avec une grande foule, donc au milieu des gens, quels qu’ils soient. Et surtout il s’arrête quand il voit des personnes qui pleurent, qui souffrent, qui désespèrent. Et Dieu sait s’il y en a beaucoup aujourd’hui, chez nous, tout près de nous peut-être, et jusqu’au bout du monde. Personne ne peut dire qu’il l’ignore, maintenant que le vaste monde entre chez nous chaque jour par les informations et toutes sortes de médias.

Que faire ? Certes ne jamais cesser d’annoncer la destinée éternelle de chaque personne humaine. Un précieux service que seule l’Eglise –ou presque- peut rendre à notre humanité. La maison où le Seigneur nous attend quand nous serons remis entre ses mains au moment de notre mort, c’est la demeure du Royaume de Dieu, c’est le cœur vivant de Jésus ressuscité, c’est le monde de « l’Esprit qui est Seigneur et qui donne la vie. » Au bout du chemin, au terme du voyage, quelqu’un nous attend, qui nous a dit : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père… Je vais vous préparer une place et là où je suis, vous serez aussi avec moi. »

Mais, plus que jamais, pour oser dire cela à notre monde, pour l’annoncer avec un peu de crédit -après tant de déceptions et de scepticisme chez les gens-, il nous faut d’abord leur montrer qu’on les aime, qu’on les accueille, qu’on partage leurs joies et leurs peines, qu’on est capable de s’engager avec eux et pour eux. Sinon, ils ne nous croiront pas.
Pour faire désirer la maison promise –celle de la vie éternelle-, il nous faut marcher sur le même chemin que tout le monde, dans une vraie solidarité. Alors, et alors seulement, la parole des chrétiens, répercutant celle du Christ pour le salut du monde, aura quelque chance d’être entendue, comprise et même accueillie.

Seul l’amour est digne de foi. C’est bien ce que l’épisode de Naïm raconte quand il est dit : « Cette parole se répandit dans toute la Judée et dans les pays voisins. »
On n’attend pas de l’Eglise qu’elle soit complaisante, mais qu’elle soit aimable parce que aimante, surtout à l’égard des moins aimés. Tel est le signe pascal qu’elle doit donner, en pointant vers le Royaume de Dieu, mais avec ses mains ouvertes, compatissantes, fraternelles. Comme l’abbé Pierre, Mère Teresa, Sœur Emmanuelle et bien d’autres encore.

A l’image du prophète Elie qui pouvait dire à la veuve de Sarepta : « Regarde, ton fils est vivant. » Et celle-ci de répondre : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu et que, dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique. »

Ainsi soit-il. Oui, qu’il en soit ainsi.
Amen.

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