samedi 7 janvier 2017

Epiphanie 2017

Epiphanie
2017

Avouons-le franchement : ces mages nous dérangent, car ils ont de quoi nous incommoder. D’abord qui sont-ils ? Spontanément, on n’aime pas l’inconnu et encore moins les inconnus. Il est écrit qu’ils viennent d’Orient, autrement dit d’on ne sait où. Il est certain qu’ils n’étaient pas juifs. Même pas de la bonne religion ! Ils sont présentés comme des mages, ce qui n’est pas fait pour nous rassurer, surtout de nos jours. On fait tant de choses bizarres au nom de la magie. Il n’est pas écrit non plus qu’ils fussent des rois, mais c’est tout comme, puisqu’ils cherchent le roi des juifs et s’adressent au roi Hérode quand ils ont besoin de renseignements. Leurs cadeaux de luxe indiquent bien qu’ils sont d’opulents personnages, ce qui fait quand même un peu tache dans la misérable étable de Bethléem. Ce style « grands bourgeois » n’a dû plaire qu’à moitié à la pauvre famille de réfugiés de Nazareth. Mais heureusement,  ils furent généreux ! De bons riches en somme.

Voilà pour l’écorce des personnes et l’écume de l’évènement. Et si on cherchait un peu plus loin ou plutôt un peu plus profond ?
Que l’évangéliste Matthieu – et lui seul - ait raconté cette visite aux premières communautés chrétiennes, ça signifie quelque chose. Peut-être même pour nous aujourd’hui.

D’abord Jésus est bel et bien présenté comme le sauveur de tous par un salut universel. En accueillant les bergers de Bethléem, Jésus est d’abord montré comme le Messie d’Israël, à commencer par les pauvres et les petits de son peuple. Si les anges leur ont annoncé « une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple », ils ont aussi ajouté : « Paix sur la terre aux hommes que Dieu aime ». Donc tout le monde, comme nous l’a rappelé aussi l’apôtre Paul.

Et par l’arrivée des ces mages, on est servi.
Symboliquement, ils représentent toute l’humanité. Ils viennent d’Orient, autrement dit d’ailleurs, des autres civilisations et religions, de partout. Ils sont ces lointains, très différents de nous, les habitants des périphéries, comme aime à le dire le pape François.
Au départ, ils ne sont ni juifs ni chrétiens. Ils sont ce qu’on peut appeler des « chercheurs de Dieu ». Et ils se sont donné beaucoup de peine. Des signes reconnus dans le ciel les ont mis en route. La magie, qu’on pourrait comprendre comme leur religion primitive, les a guidés sur ces chemins incertains. Du moins, ils se sont mis ensemble, car on trouve mieux quand on cherche avec d’autres. Ils sont des philosophes curieux, des sages persévérants, des religieux sincères.
C’est pourquoi, au terme de bien des péripéties, ils ont fini par trouver le sauveur du monde, et sûrement pas là où ils pensaient le rencontrer au départ de leur quête spirituelle. Ils cherchaient le roi des juifs, sans doute dans un palais. Ils ont trouvé un petit enfant avec Marie sa mère dans une étable ou plus probablement dans une modeste maison de Bethléem.

Et ces cadeaux ? Parlons-en. Ils sont symboliques de l’hommage des nations au Messie d’Israël, tels que décrits déjà par le prophète Isaïe et dans certains psaumes. Ils se sont prosternés devant lui en lui offrant leurs présents, signe de leur don d’eux-mêmes. Ils sont repartis différents, en empruntant un autre chemin. Ils ont regagné leur pays, donc retrouvé leur vie ordinaire, améliorés sans doute, mais sans être devenus des chrétiens au sens de piliers d’Eglise. Et tout le reste appartient au secret de Dieu.

Nous sommes dans un monde - et nous le serons toujours davantage – qui voit les hommes se mélanger de plus en plus. La circulation des connaissances, la facilité des transports et parfois hélas ! la violence et la misère provoquent des brassages inédits. Des gens venus de loin arrivent aussi chez nous. Les armées, les barrières et les frontières peuvent provisoirement entraver ces migrations humaines. Elles ne parviendront pas à les réprimer au point de les supprimer, du moins dans nos pays  démocratiques et plus riches que beaucoup d’autres. Il nous faut donc trouver une manière humaine, et j’ajoute ici une façon chrétienne, de réagir à ces situations qui deviendront de plus en plus ordinaires.

* Pour l’accueil politique, c’est à l’Etat d’en fixer les règles et conditions, sans déroger aux valeurs qui sont à la base de notre vivre ensemble démocratique, dans la variété des origines et des cultures.
* Pour l’accueil humain, c’est notre responsabilité à tous, précisément celle de manifester de l’humanité à l’égard de celles et ceux qui nous apparaissent d’abord comme très différents de nous, mais qui sont fondamentalement nos semblables, des frères et sœurs dans notre commune humanité. Comment allons-nous le leur montrer, en citoyens civilisés et en personnes fraternelles ? A chacun de répondre en faisant ce qu’il peut, mais tout ce qu’il peut.
* Et nous, les chrétiens, dans cette conjoncture d’épiphanie ? Il nous faut rester ce que nous sommes, donc des hommes et des femmes qui croient au Christ et à son évangile, sans honte, sans remiser nos convictions.
Nous croyons que Dieu aime tous les hommes, nous croyons aussi que le Christ est le sauveur de tous. Pourquoi le nier ? nous souhaitons le leur faire connaître pour offrir cette bonne nouvelle à leur liberté de conscience. Nous respectons les religions des autres, avec leurs valeurs, comme nous avons le droit d’exiger qu’ils respectent la nôtre.

Dans le dialogue interreligieux, loyal et pacifique, nous avons tous à grandir en humanité, sous la guidée - connue ou encore inconnue - de l’Esprit de Dieu qui remplit tout l’univers. Il peut même y avoir entre nous des échanges de cadeaux spirituels, qui valent bien l’or, l’encens et la myrrhe des mages venus d’Orient.

Nous serons d’autant plus de vrais témoins de notre foi que nous saurons en donner une image humaine, accueillante et fraternelle. En un mot : un reflet du visage du Christ.

C’est ainsi que, dans les circonstances où nous sommes - sans les avoir nécessairement choisies -, nous avons toujours la possibilité de prolonger cette fête dans l’esprit qu’elle contient et diffuse : « Tandis que les ténèbres couvrent la terre, voici que les nations marchent vers la lumière du Seigneur. » Et nous avec !

                                                                                                          Claude Ducarroz



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