mercredi 17 avril 2019

Homélie Jeudi-Saint

Homélie Jeudi Saint 2019 Cela. C’est quoi CELA ? C’est quoi, quand Jésus dit aux apôtres la veille de sa mort : « Faites cela en mémoire de moi » ? Prenons un exemple concret, au risque d’être un peu banal. Si vous commandez un nouvel appareil ménager –par Internet si vous voulez être « dans le vent »-, vous attendez trois choses : l’objet désiré, un mode d’emploi pour l’utiliser juste et un employé de la poste pour vous le livrer à domicile. Si l’un de ces éléments vient à manquer, il n’y aura aucune amélioration dans votre cuisine. Pour notre vie, une meilleure vie, et même la vie éternelle, ce soir-là Jésus a préparé pour nous un très grand cadeau. Il était à la veille de sa mort, autrement dit à l’heure du testament suprême, quand il s’agit de tout donner -une dernière fois et en une fois- ce qu’il a de meilleur, en signe d’amour divin pour tous ses sœurs et frères humains. Alors il se donne lui-même, en personne, tel qu’il est, avec un message de libération, avec son corps et son sang, son corps bientôt livré, son sang bientôt répandu, jusqu’à la dernière goutte, pour le salut du monde. Pas seulement pour les douze présents à ce moment-là, car Jésus n’institue jamais des privilégiés exclusifs pour ce qui est son essentiel. Il s’offre lui-même pour tous, à commencer par ses disciples de tous les temps, et aujourd’hui c’est nous : « Faites, re-faites cela en mémoire de moi ». C’est lui, tout lui, avec nous, pour nous., un 100% d’amour. « Car il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15,13). Alors il invente aussi des porteurs du cadeau, des facteurs de Bonne Nouvelle et d’Eucharistie, pas des fonctionnaires qui se croiraient supérieurs aux autres et qui se serviraient égoïstement au passage comme des enfants gâtés. Non. Comme des serviteurs humbles, à l’image de la merveilleuse donation cachée sous les plus pauvres figures : un peu de pain, un peu de vin, fruits de la terre et du travail des hommes et des femmes. Voici mon corps, voici mon sang. Et la consigne est claire, comme à la multiplication des pains : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mt 14,16). Puis il ajouta : « Le pain que je donne, c’est ma chair pour que le monde ait la vie éternelle ». (Jn 6,51). Mais attention ! Donner ce pain-là, et le recevoir comme tel : ce n’est pas n’importe comment. Il y a un mode d’emploi, il y a un état d’esprit, pour ceux qui le donnent et pour ceux qui le reçoivent. C’est la troisième dimension du même cadeau. Comme s’il savait qu’on pouvait aussi, même à propos de l’eucharistie, transformer le service en pouvoir, faire d’un ministère un privilège, défigurer une liturgie en en faisant une démonstration de prestige ou de richesse, Jésus a aussitôt montré l’exemple. Il savait bien pourquoi. Quelques jours avant sa mort, les apôtres en vinrent à se quereller pour savoir qui était le plus grand parmi eux. (Cf. Lc 22,24…). Déjà du cléricalisme, au temps de Jésus ! La réponse, vous venez de l’entendre dans l’évangile de ce soir, et vous allez la voir et la revoir : le lavement des pieds. L’avez-vous remarqué ? A propos de ce geste tellement significatif, bouleversant d’humilité, Jésus utilise les mêmes mots que pour la sainte Cène, l’invitation à revivre en refaisant la même chose, en mémoire de lui : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous re-fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». En ajoutant cette béatitude : « Sachant cela, heureux serez-vous si vous le faites. » Une si belle joie, celle du service ! * C’est tout ça, le fameux CELA de l’eucharistie. C’est la présence réelle de Jésus mort et ressuscité au milieu de nous, sous les signes du partage fraternel entre pauvres, car un peu de pain et un peu de vin suffisent pour faire et refaire eucharistie. * Ce sont des serviteurs –et pourquoi pas ?des servantes- de cette liturgie, non pas pour constituer une caste de chrétiens de première classe surplombant les simples fidèles de leur autorité auto-proclamée, mais d’humbles serviteurs de leurs frères et sœurs. * Oui, qu’ils soient dévoués dans leur ministère certes précieux, mais entièrement calqué sur le lavement des pieds. Selon cette injonction de Jésus lui-même, à genoux devant ses amis, le tablier de cuisine autour de la taille : « Si donc moi, le Seigneur et le maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » (Jn 13,14). Il n’y a d’eucharistie selon l’Evangile que dans cet esprit-là. Tout autrement, c’est de la caricature cléricale. On sait maintenant, hélas ! où ça peut mener. Alors oui, faites cela, tout cela en mémoire de Moi, nous rappelle Jésus. Mais comme cela, autrement dit comme lui.

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