samedi 20 avril 2019

Pâques 2019

Homélie Pâques II Voilà ! C’est fait, et bien fait. Du moins pour Jésus de Nazareth. Vous connaissez la nouvelle, la bonne nouvelle : « Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité, alleluia ! » Tant mieux pour lui, me direz-vous. Et pour nous, qu’en est-il ? C’est une bonne question, de lendemain d’hier, le lendemain de cette sainte nuit. Il y a assez de témoignages crédibles, y compris celui des femmes, malgré ce qu’en pensaient les apôtres hommes, et déjà quelque peu machistes. Oui, nous pouvons les croire, en fonction de rencontres étonnantes, qu’elles d’abord, puis ils n’ont pu inventer. Même s’il ne faut pas s’en étonner : alors comme aujourd’hui, il y eut aussi des « lents à croire », ainsi que les disciples d’Emmaüs, et même des incroyants assumés, comme le fut d’abord l’apôtre Thomas lui-même. Car il n’est pas si simple, quand on est un mortel et qu’on a déjà croisé la mort en soi et autour de soi, d’admettre qu’il puisse y avoir encore une vie après cette mort, même si nos désirs les plus profonds allument parfois en nous cette folle espérance. Heureusement, les faits sont là, dignes de foi, si incroyables qu’ils demeurent pour respecter notre liberté : « Le disciple entra dans le tombeau, il vit et il cru. » Marie Madeleine vint annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur vivant. Et Thomas lui-même –un dur à cuire- finit par s’exclamer en touchant les cicatrices du crucifié: « Mon Seigneur et mon Dieu. » Alors nous, maintenant ? Sommes-nous avant ou après la résurrection ? Pour répondre à cette question, il nous faut fréquenter un autre apôtre, qui n’était pas présent au moment des faits, ni à la croix, ni au matin de Pâques. Comme nous en somme. Paul de Tarse ose écrire aux Colossiens : « Vous êtes ressuscités avec le Christ. » Autrement dit : c’est fait pour Jésus, et c’est comme si c’était déjà fait pour vous, même si c’est plutôt en espérance. Mais cette espérance ne peut pas décevoir « parce que l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs », dit-il. En fait, nous naviguons entre la résurrection de Jésus et la nôtre à venir, celle-ci étant solidement amarrée à la première par un lien d’amour incassable : « Là où je suis, vous serez aussi avec moi. » On peut estimer que cette situation est un peu inconfortable. Tout est réalisé en Jésus, jusque dans sa chair transfigurée, mais tout reste à réaliser en nous, même si nous sommes bel et bien des promis à la résurrection. N’oublions pas que le cadeau reçu du Christ, même s’il doit encore déployer ses effets, fait déjà de nous des enfants de la Pâques, comme dit Jésus lui-même, des fils et filles de la résurrection (Lc 20,36). Il y a en nous l’ADN de Pâques. Ca ne change pas encore tout puisque nous sommes encore en attente de la pleine rédemption de notre corps, mais ça peut et même ça doit déjà changer beaucoup de choses, dès maintenant, dès ici-bas. Comment vivre en futurs, mais certains ressuscités ? Avec les énergies de l’Esprit pascal, il nous faut semer de la Pâque partout, en chacun de nous, autour de nous, dans l’Eglise et dans la société. Avec honneur, avec bonheur. * En nous d’abord, par un regard positif sur nous-mêmes, y compris notre corps et la sexualité, puisque nous sommes appelés à ressusciter corps et âme, même s’il est inutile d’en imaginer les modalités concrètes. Tout est digne d’être sauvé par le Christ pascal. * Soigner nos relations dans le sens du respect de cette même dignité chez les autres, par des engagements en faveur de la justice, de la paix et de la compassion autour de nous. Il y a encore tant à faire pour être des ferments de pâque dans notre société. * Accueillir avec reconnaissance notre destinée éternelle, au-delà de la mort, en favorisant la vitalité spirituelle de nos existences, y compris par la méditation de la parole de Dieu, la prière et les sacrements, tous pascals. *N’oublions pas l’Eglise, notre Eglise, surtout par les temps qui courent, elle qui a tellement besoin de passer par une pâque pour renaître après tant de relents mortels autour de certains scandales. Aimons-la assez pour collaborer à sa réforme. Vaste programme, me direz-vous. C’est vrai. Mais aussi quelle belle vocation ! Nous sommes tous convoqués par Jésus le vivant à être des artisans de vie, d’amour, de réconciliation, de fraternité sans barrière et sans frontière. Des pascals. N’est-ce pas stimulant, et gage de bonheur partagé, que nous soyons des médiateurs de pâque appliquée, pas dans des éclats retentissants, mais dans la petite monnaie de l’existence que le Ressuscité peut transfigurer en trésor d’éternité. Ne repartons pas comme avant. Laissons-nous ressusciter avec le Christ. Laissons-nous pâquer. Nous sommes les enfants de l’alleluia. Claude Ducarroz

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