jeudi 18 avril 2019

Vendredi Saint 2019

Homélie Vendredi Saint 2019 « Ils ne surent aimer leur dieu qu’en clouant l’homme à la Croix. Jusque dans leurs discours, je flaire encore le vilain relent des sépulcres. » Friedrich Nietzsche Vendredi Saint : nous sommes là devant l’exhibition de la croix, dans la vénération du crucifié, au bord de son sépulcre. Comment allons-nous répondre à cette terrible accusation du philosophe Nietzsche, relayée par d’innombrables défis adressés actuellement aux chrétiens en prière devant un crucifix ? Apparemment, rien d’aimable, rien de désirable, rien d’adorable dans le cruel spectacle de cette liturgie. Comment comprendre que nous soyons là, recueillis et suppliants, au pied de cette croix, devant ce crucifié ? Nous avons une première excuse : nous ne sommes pas seuls, nous ne sommes pas les premiers. Beaucoup de femmes –est-ce si étonnant ? - et peu d’hommes –c’est encore moins étonnant- au pied de la croix de Jésus de Nazareth. Tous ceux-là avaient les mêmes questions que nous, et les mêmes larmes, et les mêmes vertiges : Pourquoi cela ? Pourquoi jusque là ? Pourquoi un juste innocent doit-il finir crucifié ? Le savaient-elles, ces femmes, et ce disciple comme égaré parmi elles : ils n’étaient pas seuls non plus. Quand le cœur de ce Jésus s’est ouvert pour laisser jaillir le sang et l’eau, jusqu’à la dernière goutte, c’est toute l’humanité qui s’est engouffrée dans cette plaie béante, les justes mais aussi les injustes, les innocents mais aussi les coupables, autrement dit nous, nous tous. Quand le cœur de Dieu éclate sous la double pression de notre violence et de son amour, il y a de la place pour tout le monde, ou du moins pour tous ceux qui veulent bien entrer dans ce cœur-là, tous les misérables et toutes les misères, pour se laisser sauver en se laissant consumer par la divine miséricorde. Voici l’homme, disait Pilate, en montrant un Jésus ridicule prêt pour le sacrifice suprême. C’est maintenant toute l’humanité qui est entrée dans la maison trinitaire par la porte du côté transpercé de cet homme, celui de toutes les douleurs, celui de toutes les questions, celui de toutes les réponses… d’amour. On ne peut pas résister au scandale de la croix, on donne raison à Nietzsche, à moins de lire dans cette croix, en silence, comme Marie la mère, la plus grande démonstration d’amour, la plus universelle proposition de salut, la plus merveilleuse invitation à la communion pour les plus petits, les plus douloureux, les plus pauvres…une communion avec Dieu. Parce que Dieu est Amour, et parce qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime, pour ceux que Dieu aime, nous, tous. Et c’est ce que Jésus montre et démontre, les bras grand ouverts, du haut de sa croix. Cher Nietzsche, ce n’est pas du dolorisme ni du misérabilisme. J’en conviens : je n’ai pas toute la réponse à la question de l’existence du mal, sous toutes ses formes, dans notre monde, et encore moins quand ce mal frappe des innocents, à commencer par les enfants. Jésus lui-même a posé cette question à celui qu’il appelait pourtant son Père : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » C’était son droit, c’est aussi le nôtre. Mais je ne crois pas que Dieu châtie plus ceux qu’il aime davantage. Le message de la croix, c’est Dieu solidaire de nous, jusques dans nos erreurs et dans nos horreurs, c’est Jésus qui, jusqu’au dernier moment, a soif de Dieu et plus encore de nous, c’est celui qui donne encore et pardonne toujours, c’est celui qui estime avoir tout accompli en mourant pour ses amis. Mais attention ! le dernier mot viendra seulement au matin de Pâques. Dans la nuit de ce vendredi, en attendant le soleil de dimanche, nous pouvons être nous-mêmes, tels que nous sommes en vérité, pauvres, pécheurs, angoissés peut-être, trop solitaires parfois, ou très solidaires quand nous prenons sur nous toute la misère du monde…et c’est si lourd ! C’est le moment ! Dans un grand sursaut de confiance, parce que, finalement, même devant la croix, nous sommes davantage pascals que mortels, nous pouvons donner maintenant un écho très humain à l’ultime remise de Jésus dans les mains de son Père, juste avant le dernier soupir : J’ai tout remis entre tes mains Ce qui m’inquiète, ce qui me gène, Ce qui m’angoisse et qui me gène Et le souci du lendemain J’ai tout remis entre tes mains J’ai tout remis entre tes mains Le lourd souci traîné naguère Ce que je pleure ou que j’espère Et le pourquoi de mon destin J’ai tout remis entre tes mains J’ai tout remis entre tes mains La pauvreté ou la richesse Le bonheur et puis la tristesse Tout ce que jusqu’ici j’ai craint J’ai toute remis entre tes mains J’ai tout remis entre tes mains Que ce soit la mort ou la vie La santé ou la maladie Le commencement ou la fin Car tout est bien entre tes mains Claude Ducarroz

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