Le célibat du prêtre : une longue histoire
Le Nouveau Testament nous offre un double message. D’une part il exalte le mariage comme un « grand mystère » qui imite la relation d’amour du Christ et de l’Eglise (Cf. Eph 5,32). C’est pourquoi l’Eglise l’a inscrit au nombre des sacrements. D’autre part le Christ met en évidence le célibat « à cause du Royaume des cieux », en ajoutant que cette condition de vie est réservée « à ceux pour qui c’est donné » (Cf. Mt 19,12). Quand on connaît la situation des mœurs dans la société païenne, les deux propositions étaient révolutionnaires.
Le regard posé sur ces deux états de vie également saints a peu à peu évolué dans l’Eglise. Saint Paul lui-même, fort de son expérience, recommande le célibat, mais ne déprécie pas le mariage (Cf. I Co 7) puisqu’il demande aux ministres des Eglises de bien savoir gérer leur vie de famille (Cf. I Tm 3,1-13). Des philosophies ambiantes, qui méprisaient la matière et la sexualité, ont orienté l’Eglise vers un jugement toujours plus négatif sur le mariage. Par ailleurs l’influence des moines, engagés librement dans leurs vœux, a accentué cette méfiance envers « l’œuvre de chair ». Alors que dans les premiers siècles chrétiens les prêtres et les évêques pouvaient avoir famille –il y eut même des évêques de père en fils-, on a considéré de plus en plus qu’il y avait une certaine incompatibilité entre l’exercice du ministère sacré et l’activité sexuelle, même dans le mariage.
Encore faut-il ajouter que l’évolution de la pratique a pris une direction différente en Orient et en Occident. Dans les Eglises orientales, les évêques doivent aussi être célibataires. Ils sont, pour ainsi dire, les époux de leur Eglise. Par contre les prêtres peuvent être mariés –et ils le sont souvent – pourvu qu’ils aient convolé avant leur ordination. On l’oublie parmi les catholiques : cette discipline est aussi en vigueur dans les Eglises orientales unies à Rome. Il y a donc dans l’Eglise catholique de nombreux prêtres mariés, en tout honneur.
Dans l’Eglise latine, c’est l’obligation stricte du célibat pour tous les prêtres qui s’est imposée. Formellement, elle fut décidée de manière solennelle et universelle au concile du Latran en 1123. Depuis lors, l’autorité de l’Eglise catholique n’est jamais revenue en arrière, même dans les époques –par exemple à la Renaissance- où cette discipline était fort peu observée. Elle estime qu’il y a une connivence spirituelle et pastorale entre le ministère du prêtre et le célibat pour le Royaume des cieux. On sait que la Réforme protestante a aussitôt réintroduit le célibat librement choisi –et non plus obligatoire- pour les évêques et les pasteurs.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les papes et le concile Vatican II lui-même ont réaffirmé leur attachement au célibat obligatoire pour les prêtres de l’Eglise latine. Mais devant la difficulté de certains prêtres à tenir leurs engagements et surtout face au manque de prêtres pour les communautés, beaucoup actuellement –même parmi les évêques- se posent des questions. Ils se demandent s’il ne faudrait élargir l’accès au ministère en le rendant possible pour des hommes mariés qui auraient fait la preuve d’une vie généreuse et équilibrée dans leur mariage. On les appelle les « viri probati », autrement dit des hommes « éprouvés ». Un peu partout, des synodes diocésains ou régionaux poussent dans ce sens, sans être entendus jusqu’à ce jour.
Incontestablement, le célibat du prêtre recèle de grandes valeurs évangéliques dont bénéficient les communautés chrétiennes. Mais on peut estimer que ce charisme serait encore mieux mis en valeur et mieux vécu s’il était laissé au libre choix des candidats, comme en Orient. Par ailleurs on sait bien que le mariage comporte aussi ses croix, ses échecs, ses drames même. Aucune condition n’est une panacée. C’est plutôt le besoin des communautés en attente de prêtres qui doit nous faire réfléchir et prier. Et peut-être assouplir une discipline respectable, mais certainement pas absolue.
Claude Ducarroz
jeudi 8 avril 2010
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