Pour une Eglise courageuse
C’est reparti, et je suis persuadé que ce n’est pas fini : l’Eglise catholique est à nouveau éclaboussée par de graves scandales de pédophilie chez certains prêtres.
Notre premier devoir est d’admettre et d’assumer la réalité, si douloureuse qu’elle soit. On le fait peu à peu, jusqu’au sommet de la hiérarchie.
Notre deuxième devoir est d’agir promptement. D’une part il faut laisser la justice civile accomplir sa tâche, car les prêtres ne sont pas au-dessus des lois communes. D’autre part, il faut venir en aide aux victimes, en sachant que certaines blessures intimes ne pourront jamais cicatriser. Enfin il faut prendre des mesures pour que de tels agissements ne se reproduisent pas parce qu’ils blessent des innocents, offensent l’Evangile de l’amour et jettent une ombre sur la crédibilité de notre Eglise.
Et puis il nous faut réfléchir courageusement. Selon l’évêque de Ratisbonne, le célibat imposé aux prêtres catholiques de rite latin n’a rien à voir avec cette affaire. Penser le contraire serait même une bêtise. Cette argumentation, qui cherche à « sauver » une telle discipline, me laisse perplexe. Des prêtres affrontés à un célibat mal assumé parce que vécu comme un devoir forcé ne sont-ils pas davantage exposés aux dérives de la pédophilie, surtout lorsqu’on leur confie des ministères auprès des enfants ou des adolescents ? Sans doute y a-t-il des pédophiles ailleurs que dans les cadres de l’Eglise. Il est vrai que, proportionnellement, ces cas sont rares dans nos rangs. Mais est-ce une raison pour ne pas remettre en question cette obligation universelle, tout en reconnaissant la valeur de ce charisme quand il est vécu dans la liberté et la générosité ?
Face à cela, le pape Benoît XVI répète que le célibat est un bon serviteur du ministère du prêtre et par conséquent un cadeau de Dieu pour notre Eglise, auquel il ne faut pas renoncer. Je partage cet avis, expérience faite depuis 45 ans, mais à condition que le cadeau soit accueilli librement, vécu humainement et non pas traîné comme un fardeau insupportable. Juste avant d’accueillir affectueusement des enfants, Jésus a évoqué le cas de ceux qui choisissent d’être « eunuques pour le Royaume des cieux », tout en ajoutant : « Que celui qui peut comprendre cela le comprenne ! » (Cf. Mt 19,12) La valeur du célibat pour le Royaume de Dieu a toujours été associée à un engagement personnel assumé en toute liberté. C’est ainsi que l’ont compris les apôtres, les premiers chrétiens, les Eglises d’Orient jusqu’à ce jour et même notre Eglise d’Occident jusqu’au 12ème siècle.
Je pense à mes confrères. Nous étions 12 prêtres ordonnés cette année-là. Quatre d’entre eux ont ensuite choisi de se marier. Etaient-ils de mauvais prêtres ? Qui oserait formuler un tel jugement ? Je le sais : certains auraient voulu continuer leur beau service auprès de communautés prêtes à les accueillir tels qu’ils sont. Une seule réponse de l’autorité : non et non. On les a perdus pour un ministère précieux, qu’ils auraient sans doute exercé différemment, mais avec la même générosité si nécessaire à la vitalité de nos communautés.
Je connais des prêtres catholiques dans les Eglises orientales qui allient leur ministère et la vie de mariés. Sont-ils pour autant de moins bons prêtres, ou des ministres de seconde catégorie ? Rendre incompatible, de manière absolue, le ministère presbytéral et le mariage, qu’est-ce que ça révèle comme vision de la sexualité, de la femme, de la vie de famille, des collègues mariés dans les autres Eglises chrétiennes ?
L’épreuve que nous traversons met aussi en lumière un grave défaut dans le fonctionnement de l’autorité dans notre Eglise. Quand le pape -Dieu le bénisse !-s’exprime comme l’on sait sur ce point, c’est aussitôt l’alignement hiérarchique, le silence dans les rangs. Que deviennent alors les voix de celles et ceux qui, à la base, dans des synodes et assemblées ecclésiales, demandent depuis longtemps un assouplissement de la règle sur le célibat obligatoire des prêtres et par conséquent la possibilité d’ordonner des hommes mariés ? Ils prêchent dans le désert. Jusqu’à quand ?
Si je crois au pôle personnel de l’autorité dans l’Eglise –exercé chez nous par le « ministère de Pierre-, je crois aussi à la valeur irremplaçable de la collégialité de tous les évêques et du « sens ecclésial » de tous les fidèles. N’est-ce pas d’ailleurs dans la réconciliation et l’harmonisation de ces trois pôles --personnel, collégial et communautaire- que se trouve pour une bonne part l’avenir d’un œcuménisme réussi ? Hélas ! on n’en prend pas le chemin.
Je ne suis pas naïf. Je sais que la levée de l’obligation universelle du célibat pour les futurs prêtres de chez nous ne sera pas la panacée pour guérir tous nos maux, à commencer par le manque dramatique de prêtres. Avec le mariage viennent aussi parfois les infidélités et les divorces. Par amour de l’Evangile et de l’Eglise que je sers modestement -avec d’autres prêtres et diacres, avec des religieux et des laïcs hommes et femmes toujours plus nombreux- je prie pour que le courage d’un Jean XXIII proclamant le concile Vatican II soit remis à l’honneur dans la conjoncture actuelle.
La profondeur évangélique ne peut-elle pas coïncider avec l’audace prophétique ?
Claude Ducarroz
5286 signes
lundi 22 mars 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire