Fleur de vie
Cadeau empoisonné
« Alors, comment ça va ? Et Madame ? » Ces questions banales, je les ai posées à un vieux monsieur qui venait de fêter les 90 ans de sa chère épouse. Sa réponse m’étonne encore : « Je ne peux pas me plaindre, mais ça va moins bien depuis qu’on a offert à ma femme un cadeau empoisonné. » Comme moi, vous avez sans doute de la peine à deviner la nature de ce méchant présent.
Il s’agit du fauteuil jubilaire. Et Monsieur de s’expliquer : « Maintenant qu’elle a reçu son fauteuil, elle ne le quitte plus, elle est toujours devant la télé, alors qu’auparavant on se parlait davantage, on sortait ensemble, on vivait mieux ».
Je suis certain que l’amour de ce vieux couple finira par trouver un modus vivendi pour les années qui lui restent à vivre ici-bas. Mais je retiens que les fauteuils peuvent être des objets dangereux et même…vénéneux. Nous avons tous nos fauteuils secrets qui constituent des excuses faciles pour nos conforts égoïstes et nos replis inavoués. La télé évidemment, avec les matchs pour les messieurs et les séries à l’eau de rose pour les dames. Et tant d’autres aussi, comme la soumission aveugle aux modes ambiantes, au prêt-à-porter de la pensée et aux slogans des publicités. N’avons-nous pas installé quelque part un canapé pour nos petites habitudes, voire un trône pour notre volonté de domination ?
Je souhaite un joyeux anniversaire à tous nos jubilaires, mais avant d’acquérir ou d’offrir un fauteuil, réfléchissez bien. Ou alors achetez-en tout de suite deux. C’est sûrement meilleur pour maintenir le dialogue et favoriser la rencontre.
1596 signes Claude Ducarroz
jeudi 25 mars 2010
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