Fleur de vie
Les semelles de papier
En rangeant la maison après la mort de sa mère, Mireille a trouvé deux objets de profonde signification : une paire de semelles. Elles étaient en papier. Oui, on avait découpé, puis cousu plusieurs couches de papier-journal avec un fil solide afin de rendre ces humbles choses praticables.
Confectionner soi-même des semelles avec du papier aggloméré, ça signifie quelque chose, non ? D’abord une grande pauvreté, réelle mais cachée jusque dans les chaussures. Et puis toute une habileté pour compenser la misère par un travail ingénieux qui permette à la personne de marcher correctement, malgré tout.
Dans notre civilisation « kleenex » -on achète vite, on utilise brièvement et on jette-, de tels objets font figure de vieilleries sans intérêt. Et pourtant ils ont tant à nous raconter.
Ils nous disent dans quel état se trouvait notre société aux temps des tragiques privations quand il fallait se débrouiller avec ce qu’on avait, c’est-à-dire presque rien. Ils rendent témoignage à la vaillance de celles et ceux qui ont tenu bon dans l’épreuve pour qu’aujourd’hui nous puissions jouir d’une vie meilleure. Y pensons-nous encore, dans la gratitude et dans l’admiration ? Et savons-nous qu’une grande partie de notre humanité, aujourd’hui même, continue de (sur)vivre dans de telles conditions ? Et souvent pire encore.
Une semelle de papier suffit parfois pour éveiller une intense prise de conscience. Alors, avant de jeter des vieilles choses, peut-être vaut-il la peine de s’arrêter un instant. Et de méditer leur message de silencieuse éloquence. Avec émotion et reconnaissance.
1616 signes Claude Ducarroz
vendredi 28 mai 2010
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