Sainte Trinité 2010
« Des hommes et des dieux ». Ce film a obtenu le grand prix du jury au dernier festival du cinéma à Cannes. Au-delà du scénario émouvant –qui s’inspire de la présence et du martyre des moines trappistes à Tibhirine en Algérie-, le titre même de ce film dit une vérité toujours d’actualité. Les hommes et les dieux sont en situation de miroir, on dirait aujourd’hui « en corrélation », de sorte qu’on peut exprimer l’adage suivant : « Dis-moi quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ».
Et réciproquement : la façon de voir et de vivre notre humanité dit quelque chose du Dieu auquel nous croyons. C’est que Dieu et l’homme –au sens de l’être humain- sont radicalement solidaires depuis que « Dieu a créé l’homme à son image et ressemblance », selon cette nouvelle stupéfiante que la Bible proclame dès le premier chapitre de la Genèse. Et comme pour préciser le portrait, il est ajouté : « Homme et femme, Dieu les créa, et il leur dit : Croissez, multipliez-vous… »
En fait, il y a deux façons complémentaires de connaître Dieu, d’aborder à l’orée de son mystère qui, de toutes manières, restera toujours au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer ou désirer.
La première démarche pour deviner le mystère de Dieu, c’est d’emprunter le chemin du Christ Jésus. « Nul n’a jamais vu Dieu, nous avertit l’apôtre Jean, mais le Fils unique qui est tourné vers le sein du Père, lui l’a fait connaître ».
Et Jésus d’ajouter à Thomas : « Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. ». Et à l’apôtre Jude, Jésus dira encore : « L’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, lui vous enseignera tout. »
Connaître Dieu, c’est se mettre à l’école de Jésus, c’est retenir ses enseignements, c’est recueillir les leçons intérieures de son Esprit. Et qu’est-ce qu’ils nous disent ?
Parce que Dieu est Amour, rien qu’Amour, tout Amour, il y a en lui un profond mystère de relations, de communications, de communion.
Il y a un Père, pour exprimer en langage humain, un Dieu-Source de vie et d’amour, une générosité originelle et parfaite, une paternité, un engendrement.
Il y a par conséquent un Fils qui reçoit tout du Père, dans l’instant éternel d’un accueil entièrement déplié, avec une divine humilité, mais sans aucune inégalité, parce qu’en donnant tout, le Père partage tout, et rend le Fils parfaitement égal à lui-même.
Et dans la rencontre de cet Amour offert, accueilli et rendu, le Père et le Fils soufflent l’Esprit, comme le fruit de leur éternel baiser qui, au lieu de les tourner en duo l’un vers l’autre, les propulse vers ce troisième qui surgit à l’ouverture béante de leur tendresse infinie.
Comment dire cela sans trembler, sans balbutier, sans vouloir se mettre à genoux pour adorer, sans avoir l’impression de discourir sur Dieu, voire de bavarder au sujet de Dieu ? Mêmes les plus grands saints, et surtout les plus profonds mystiques, ont conscience de cet immense abîme qui fait toute la différence entre des paroles toujours humaines, même si elles peuvent être sublimes, et le mystère dont il est question quand nous osons en parler.
Alors, il y a l’autre chemin. Car Dieu n’est pas seulement l’objet d’une connaissance spéculative, comme s’il fallait être un sur-doué pour en parler, ou alors sortir docteur de notre faculté de théologie. Devant les humbles pêcheurs de Galilée à qui il a confié les secrets de la relation Père-Fils, Jésus s’est exclamé : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux savants, et de l’avoir révélé aux tout-petits, car tel a été ton bon plaisir ». L’apôtre Jean, le meilleur théologien du groupe des douze, a lui-même écrit : « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour. »
Tout est dit. Notre Dieu n’est pas seulement connaissable par l’esprit -et encore toujours partiellement, comme dans un miroir-, il est praticable dans les expériences de l’amour humain qui nous met en communion avec son mystère divin, justement parce qu’il est Amour.
Aimer vraiment, aimer de tout son être, comme Jésus l’a démontré concrètement au milieu de nous, jusqu’à l’eucharistie, jusqu’à la croix : voilà qui nous fait connaître le vrai Dieu. Peut-être aurons-nous de la peine à le décrire, à l’imaginer ou à le dire avec nos mots. Mais, heureusement, le Dieu-Amour ouvre devant tout homme, même celui qui n’a ni les pensées ni les paroles pour l’exprimer, un chemin d’expérience au ras de la vie de chaque jour.
D’abord dans le couple et la famille évidemment, puisque la famille unie par l’amour est par excellence une icône, un décalque, une signature de la Trinité en ce monde. Et puis il y a toutes les autres relations, celles qui font une maisonnée, un quartier, une cité, une société. Et aussi une Eglise évidemment.
Quand c’est l’amour qui domine, quand la charité l’emporte sur les puissances de haine, de racisme, d’injustice, de violence, d’exclusion, de vengeance, c’est la sainte Trinité qui rayonne et se réjouit. Dans nos relations de chaque jour, il y a un enjeu trinitaire. Nous avouons ou nous désavouons le mystère de Dieu, nous annonçons son identité comme amour, ou nous la contredisons.
Car la Trinité est comme remise entre nos mains, --et pas seulement abandonnée à notre esprit- pour que grandisse en nous et entre nous cette expérience qui faisait dire à l’apôtre Jean : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons pour que vous soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète. »
Alors le mystère de la Trinité, tout en demeurant offert aux théologiens et aux mystiques, devient une réalité quotidienne qui nous définit comme êtres faits pour aimer parce que Dieu est Amour. Et parce que, comme vient de le répéter l’apôtre Paul aux Romains, « l’espérance ne trompe pas puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. » Oui, il y a en nous l’ADN trinitaire !
Connaître Dieu, c’est bien. Vivre trinitairement, c’est encore mieux. Et pour cela, il nous faut aimer sans jamais oublier que Dieu nous aime le premier.
Claude Ducarroz
vendredi 28 mai 2010
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