samedi 14 août 2010

Homélie pour l'Assomption de Marie

Assomption 2010


Connaissez-vous Murillo ? Impossible de l’ignorer si vous visitez un jour le musée du Prado à Madrid. Ce peintre andalou du 17ème siècle a peint de nombreux tableaux représentant la Vierge Marie dans un style tendre et suave. On y voit Marie dans l’azur, sur des nuages, entourée d’anges qui l’escortent dans son voyage vers les cieux. C’est émouvant, un peu sucré et certainement fort pieux, dans l’ambiance de la Contre-Réforme qui voulait combattre les dénis protestants autour du culte marial en flattant la sensibilité catholique.

Peut-être est-ce un peu ainsi –à la Murillo- que vous vous représentez le mystère de l’assomption de Marie que nous célébrons en ce jour. Il est vrai qu’une certaine piété contribue justement à éloigner Marie de nous en cette fête.

Tant de privilèges sont mis en évidence. Après l’immaculée conception, la virginité perpétuelle malgré la maternité, voici cette résurrection anticipée qui la place ailleurs, au dessus du commun des mortels…que nous sommes. Marie reine des anges, Marie reine des saints, Marie glorieuse reine de l’univers : autant de titres qui semblent en rajouter à l’exaltation de la petite servante du Seigneur.

Vous connaissez sans doute ce cantique marial : « La première en chemin », qui veut ramener Marie dans le pèlerinage de l’Eglise avec nous. Mais peut-être même faudrait-il dire « la deuxième en chemin ».

Le premier ressuscité, « premier-né d’entre les morts, celui qui obtient en tout la primauté », comme le rappelle l’apôtre Paul aux Galates (1,18), c’est évidemment le Christ Jésus. Mais heureusement pour nous, il n’est pas un ressuscité solitaire, une sorte d’égoïste de la vie éternelle. Comme le dit encore le même apôtre, « le Christ est l’aîné d’une multitude de frères et sœurs ». Il entraîne donc à sa suite, jusque dans sa gloire, toute l’humanité sauvée. « Tous revivront dans le Christ, ajoute encore saint Paul, mais chacun à son rang ».

C’est là que nous retrouvons Marie, la première, si l’on veut, mais après le Christ, derrière lui. Car c’est de lui qu’elle tient sa gloire. Elle lui avait donné son humanité d’humilité, semblable à la nôtre. Maintenant c’est lui, à partir de son humanité ressuscitée, qui confère à sa mère une humanité transfigurée. Pour Marie, l’assomption, c‘est du pur cadeau, reçu de Jésus, qui veut associer ainsi de plus près sa mère à son triomphe de bonheur et de beauté.

De Marie aussi, surtout dans sa gloire, on peut dire : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » Sans doute sa toute-sainteté l’a-t-elle préparée à cette transparence de lumière céleste. Mais la sainteté et la clarté demeurent des fruits du mystère pascal de Jésus, celui qui a en tout la primauté, mais aussi celui qui sait partager avec tous ses frères et sœurs les retombées de grâces issues de sa mort offerte par amour et de sa résurrection glorieuse.

Partage de vie bienheureuse d’abord avec Marie, comme il se doit. Mais aussi avec nous. Car il ne faut pas isoler Marie, ni de son Fils dont elle reçoit tout, ni de nous, ses enfants, parce que nous sommes de la même famille. Marie nous précède, mais elle ne nous lâche pas pour autant.
Comme le premier de cordée qui parvient au sommet avant les autres. Ce n’est pas pour pavoiser en vainqueur solitaire, tandis que les autres la regarderaient d’en bas, en restant misérablement dans la plaine. Non. Nous sommes de la même expédition en forme de pèlerinage d’éternité, nous vivons une solidarité de salut.

L’assomption de Marie doit justement nous convaincre de deux choses :
Que nous sommes promis au même destin qu’elle, à savoir l’entrée de notre humanité complète, avec toutes ses dimensions, dans la gloire de la Trinité,
et d’autre part que c’est possible, que c’est même en route, que c’est peut-être pour bientôt.

Contempler Marie dans sa gloire exceptionnelle ne doit pas nous décourager sur le chemin de notre vie, quelles que soient nos difficultés ou nos échecs. Au contraire, son assomption nous donne une assurance de plus que se réalisera aussi pour nous –quand ou comment, peu importe, ne soyons pas trop curieux- cette phrase de l’évangile : « Je vais vous préparer une place… Je reviendrai vous prendre avec moi…Là où je suis, vous serez vous aussi. » Avec moi. On peut donc ajouter « avec Marie », puisqu’il ne faut jamais séparer Marie ni de son fils ni de nous ses enfants.

L’assomption de Marie est donc une fête de confiance et d’optimisme, si l’on songe à l’aboutissement final de notre existence. Encore faut-il, si possible, emprunter le même chemin qu’elle pour arriver avec elle au même sommet. Il n’y a pas d’autre route que celle du Christ qui nous a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne va au Père que par moi. »
Jésus notre chemin : c’est celui qu’a parcouru Marie depuis sa première déclaration « Qu’il me soit fait selon ta parole », jusqu’à sa dernière invitation, destinée à nous : « Faites tout ce qu’il vous dira ».

Chaque fois que nous mettons en pratique l’Evangile, avec la grâce du Saint-Esprit, nous avançons d’un pas vers notre destinée pascale qui est aussi mariale. Nul doute que Marie, comme une bonne mère, nous donne la main au cours de ce laborieux pèlerinage, qu’elle nous relève quand nous tombons, qu’elle nous console quand nous pleurons, qu’elle nous encourage sans cesse à recommencer, elle dont la foi fut sans faille mais pas sans épreuves.

Sainte Marie, prie pour nous pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort, pour le rendez-vous de notre assomption à nous.

Claude Ducarroz

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