samedi 27 janvier 2018

Encore pour + Suzanne

Messe de 30ème
Pour + Suzanne

Je le sais ! Beaucoup parmi vous –la plupart sans doute-, vous êtes là pour Suzanne, à cause de Suzanne. Dès lors la question se pose : où est Suzanne dans cette liturgie ?

C’est elle qui, mystérieusement, nous rassemble encore, à commencer par sa chère famille et ses nombreux amis. Avec émotion et avec reconnaissance, nous la recevons dans nos bras, nous la recueillons en plein cœur, une fois de plus, comme un cadeau qu’elle fut, dans nos vies et pour notre bonheur. Car Suzanne nous a été donnée par la vie, mais il faut oser le dire aussi : par Dieu, le maître de la vie.

Un cadeau, c’est un présent. Et quand c’est Dieu qui le donne, justement, il ne le reprend jamais. Ce cadeau reste présent, il est offert pour toujours. Il y a de l’ineffaçable, de l’inoubliable dans la présence de Suzanne, dans son rayonnement dynamique, dans sa générosité infatigable, dans ses accueils souriants, dans ses yeux, dans sa voix, dans son cœur si aimant.

Dire cela, c’est à la fois prolonger une communion de tendresse et raviver une souffrance par son absence sensible qui nous bouleverse encore. Tous ces sentiments humains, dans les larmes retenues ou exprimées, sont la signature laissée par le passage de Suzanne parmi nous, au milieu de nous, par l’encre de son amour. Nous continuerons de lire son livre, trop vite refermé, le parchemin de sa douce et joyeuse compagnie.

Oui, Suzanne reste dans la mémoire vive de nos souvenirs bénis.

Et pourtant il faut aller plus profond encore. Nous sommes dans une église. Nous sommes aussi venus à la messe, pour la messe, celle du dimanche. Tout aussi mystérieusement, un autre est présent, un autre nous fait signe : l’actualité d’un vivant au-delà de la mort, de sa mort.
Déjà notre rassemblement nous rappelle quelque chose, puisque, comme il l’a dit, « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Pour quoi faire ? Ecouter une parole qui aide à vivre debout et qui permet de mourir dans une certaine espérance. Et plus encore : pour communier au cadeau de sa présence réelle, quoique discrète, sous la forme familière et familiale d’un repas partagé. Mais avec cette promesse : « Celui qui mange de ce pain-là, vivra éternellement ». Nous sommes les enfants de sa Pâque, nous sommes les convives de son éternité.

Alors ces deux mystères se rejoignent, se donnent la main et se marient, le sombre mystère de notre mort qui peut nous faire peur, et de nos morts qui nous font pleurer, et celui, plein d’une divine clarté, qui nous fait croire à cette déclaration d’amour : « Là où je suis, dit Jésus, vous serez aussi avec moi, dans cette maison paternelle où il y a de la place pour beaucoup de monde ». Aussi pour Suzanne, pour Bernard, pour Jacquy et tant d’autres, et tous les autres. Un avenir de ressuscité.

Faire ce passage du mystère de la mort au mystère de la vie éternelle, j’en conviens, n’est ni facile, ni évident. Je comprends que tous ne puissent aisément s’accrocher à une espérance aussi surhumaine, notamment quand une mort vient de faire saigner nos plus chères affections. Oui,  quand ce qui domine dans le cœur est la tristesse d’un grand vide, et dans l’esprit tellement de questions sans réponses irréfutables.

Qu’au moins ce soir, dans la mémoire qui nous réunit, marchant  en pèlerins dans le merveilleux sillage de notre bien-aimée Suzanne, puisque, dit-on, « l’amour est plus fort que la mort », donnons sa chance pour elle à la Pâque de Jésus, selon la parole de l’apôtre : « J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur. »

Ou, plus simplement peut-être, accueillons ce poème de Bernard, un autre bien-aimé :

Je t’écris cette lettre comme on souffre un adieu
Et le jour va renaître au matin de tes yeux
Je t’écris cette larme comme on pleure à l’écart
Et le jour en alarme je serai quelque part

Je t’écris cette lettre comme on offre un adieu
Et le jour va renaître au matin de tes yeux
Je t’écris cette aurore comme on part au printemps
Et le jour vient d’éclore au soleil qui t’attend

Claude Ducarroz


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