Ils m’énervent…
Oui, ils m’énervent, tous ces Suisses –mes
chers compatriotes !- qui prennent prétexte de ses imperfections pour
dauber sur l’Union européenne. Parce qu’elle traverse quelques difficultés, ils
font tout pour empêcher un quelconque rapprochement de la Suisse avec la
Communauté de nos voisins et nous promettent les pires malheurs dans
l’hypothèse –fort improbable d’ailleurs- où nous aurions quelque velléité de
faire partie du club.
Évidemment, on peut ausculter cette Union avec
la petite lorgnette des intérêts purement économiques. Les Suisses foncent sur
leur calculette et estiment « de leur intérêt » de rester en dehors,
tout en slalomant pour tirer quelques avantages d’une tiède fréquentation…de
loin. C’est oublier que, malgré sa
marche parfois fort boiteuse, l’Union européenne est d’abord une communauté
historique de destin, au service de la paix dans notre continent. Cette paix
qui nous a fait si souvent défaut dans les horreurs et terreurs des guerres,
cette paix sans laquelle notre civilisation de liberté et de prospérité ne
pourrait même pas exister.
On ne peut juger sereinement de l’Union
européenne si l’on commence à la dénigrer à la faveur d’une méchante amnésie.
Mes ancêtres ont tous subi les conséquences des guerres européennes, certes à
la manière suisse, autrement dit beaucoup moins cruellement que nos voisins.
N’empêche : mon arrière-grand-père a traversé la guerre de 70, mon
grand-père celle de 14 et mon père celle de 39. Et moi, je suis né au début de
la dernière guerre, avec toutes les atrocités qui suivirent. Quand je visite
Auschwitz, je ne peux oublier que ceux-là et moi, nous sommes contemporains.
Triste bilan : une guerre par génération !
Depuis lors, notre continent est devenu une
vaste zone de paix durable. Ceux qui ont voulu repasser le sinistre plat des
conflits armés –par exemple dans les Balkans- ont dû rentrer dans leurs casernes.
Maintenant, toutes ces nations cherchent à entrer dans l’Union européenne.
Elles ont compris qu’il y avait là à la fois la garantie de la paix et le gage de
la prospérité.
Par je ne sais quelle grâce, et certainement
aussi par les lourds sacrifices des autres peuples autour de nous, les Suisses
ont échappé au pire depuis plusieurs siècles. La moindre des reconnaissances
serait qu’ils se souviennent de ce qu’ils doivent aussi à leurs voisins, en
plus de leurs propres engagements évidemment.
Toute construction politique demeure fragile. Ceux
qui ont imaginé la nouvelle Europe en prophètes -parmi lesquels de nombreux
chrétiens- , ceux qui l’animent encore en valeureux pionniers, méritent mieux
que les moues parfois sarcastiques de certains Suisses.
Certes, personne ne nous oblige de « faire
partie » du club. Mais du moins cette belle utopie de paix et de
fraternité –malgré toutes ses imperfections- postule de notre part au minimum
une estime reconnaissante, au mieux une collaboration sincère, fût-elle
latérale.
Depuis plus de 70 ans, nous vivons en paix sur
notre Europe, fière à juste titre de sa civilisation multicolore, ancrée dans
le respect des droits humains et dans l’idéal d’une liberté couplée à la
solidarité.
De grâce –car c’en est une-, soutenons les
apôtres d’une solide Union européenne pour assurer un avenir encore meilleur à
notre chère Europe, notre commune patrie.
Claude Ducarroz
A lire sur le site www.cath.ch
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