A Monseigneur Pierre Farine
« Vous êtes de la famille de Dieu. » Ep 2,19.
C’est ainsi que l’apôtre Paul s’adressait aux chrétiens d’Ephèse. Pour être celle de Dieu -ce qui est un grand mystère et un immense cadeau-, nous n’en formons pas moins une famille avec ses joies et ses peines, ses « histoires de famille », en communion avec la grande famille qu’est l’Eglise universelle, en solidarité –fût-elle critique- avec la famille encore plus grande, celle de toute l’humanité.
En cette année 2010, notre famille diocésaine a d’abord été marquée par la maladie, puis la mort de son premier berger, notre évêque Bernard Genoud. Dans une proximité particulièrement intense, notre décanat et notre ville ont participé de plein cœur à ces évènements qui affectent profondément la vie d’une Eglise locale. Nous avons ressenti, dans notre tristesse mais aussi dans l’espérance pascale, combien la personnalité de notre évêque avait laissé des traces évangéliques bien au-delà des cercles du milieu ecclésiastique et même ecclésial. Si l’intérêt des médias n’est pas toujours indemne d’ambiguïté, les réactions exprimées dans ce qu’on appelle « le grand public » nous ont impressionnés et touchés. C’est pourquoi notre deuil se change en actions de grâces pour celui qui, certes, nous a quittés trop tôt, mais surtout qui a su donner, jusque dans sa maladie et sa mort, le témoignage d’un véritable disciple du Christ crucifié et ressuscité. Qui que nous soyons, n’est-ce pas là l’essentiel de notre vocation à tous ? Mgr Genoud nous l’a rappelé de manière éloquente. Merci Bernard !
Au lendemain de la messe d’enciellement de notre évêque Bernard –comme on l’a écrit-, le collège des consulteurs vous a désigné, cher Pierre, comme administrateur de notre diocèse. Nous vous remercions d’avoir ainsi repris le flambeau du guide apostolique pour le troupeau que le Seigneur vous a confié, avec l’aide de vos collaborateurs et collaboratrices, dans un esprit de sereine responsabilité. Notre diocèse vit –et non seulement survit- sous votre aimable silhouette. Comme vous, nous souhaitons que ce temps d’attente ne dure pas trop longtemps. Mais nous savons aussi que les secrets du Vatican nous échappent. La prière et l’espérance suffisent à nous conférer la patience nécessaire. Nous sommes prêts pour l’accueil d’un nouveau berger, dans un esprit de foi et de sincère fraternité. Et, en attendant- heureusement- rien ne nous empêche de continuer à servir l’Eglise et nos frères et sœurs humains, en fixant notre regard sur le Christ, le Bon Pasteur par excellence, à l’écoute de son évangile, « lumière sur notre route et lampe pour nos pas. »
Lumière sur notre route, et même sur nos places et dans nos rues. Comment ne pas évoquer ici l’expérience positive de FestiBible qui a fait résonner une autre parole au cœur de notre cité, justement au moment où notre évêque vivait ses derniers jours ici-bas. Nous constatons, parfois avec une certaine tristesse qui pourrait devenir découragement, que nos assemblées habituelles, liturgiques ou autres, rassemblent seulement de petits troupeaux. Avec l’évènement FestiBible, à l’instar de « Prier et témoigner », nous recevons comme un cadeau la démonstration que la Parole de Dieu peut encore intéresser beaucoup de gens, au-delà des cercles habituels, surtout quand les chrétiens jouent « œcuménique et bilingue » au lieu de rester chacun dans son jardin confessionnel ou culturel. Il y a sûrement là une leçon à tirer ou plutôt un signe que le Seigneur nous adresse : croire ensemble à la puissance de la Parole de Dieu, nous donner la main pour la goûter, la faire connaître comme une bonne nouvelle, la mettre en pratique comme un beau service offert à tous. Encore une occasion de rendre grâces.
Nous en avons bien conscience : si la vie diocésaine a besoin de temps en temps
d’évènements plus largement rassembleurs - il y en eut un autre à Neuchâtel autour de la diaconie et un autre encore à Lausanne autour de la pastorale d’engendrement-, la vie ordinaire garde toute son importance, dans les communautés et services que les chrétiens, par la variété de leurs charismes et engagements, assument au jour le jour, humblement et fidèlement. Dans ce contexte, la formation permanente prend de plus en plus un essor réjouissant, dans les institutions qui distillent cette formation et qui, pour la plupart se trouvent justement à Fribourg. Il suffit de penser à notre université, à l’IFM et à bien d’autres maisons de formation théologique et spirituelle. Sans oublier les médias catholiques, nombreux et de qualité, qui jouent leur rôle précieux dans le concert, souvent cacophonique, des médias modernes à succès. A y regarder de plus près, nous avons la chance de pouvoir profiter de multiples opportunités de formation pour lesquelles, là aussi, nous devons rendre grâces, tout en encourageant celles et ceux qui gardent la lampe de l’Eglise et la flamme de la foi bien allumées au milieu de beaucoup d’obscurités audiovisuelles.
Fidélité et renouveau : par les temps qui courent, nous sommes tous appelés à conjuguer ces deux exigences à saveur évangélique. Après la tempête qui a secoué, chez nous aussi, la maison presbytérale, une fidélité renouvelée nous est demandée par le Seigneur, rappelée encore récemment par le pape Benoît XVI dans son discours à la curie romaine. Nous avons compris, si nous l’avions jamais oublié, que la conversion et la sainteté, toujours en voie de développement par la grâce de l’Esprit-Saint, sont à la base et de notre action pastorale et de notre bonheur à servir. Et le renouveau nous est sans cesse rappelé par les projets de réformes en cours, dans la manière de concevoir, d’organiser et surtout de vivre le mystère de l’Eglise en ces temps d’épreuves mais aussi d’initiatives pastorales. Notre diocèse est un vaste chantier –mais n’est-ce pas la vocation de toute l’Eglise d’être sans cesse en construction, en édification ? Le même apôtre Paul, juste après la mention de la famille de Dieu, nous dit que « dans le Christ toute la construction s’ajuste et grandit pour former un temple saint », et que nous sommes tous « intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu dans l’Esprit. » Notre fatigue parfois, mais aussi, je l’espère, surtout notre joie, c’est d’être des ouvriers, et peut-être même seulement de pauvres manoeuvres, sur ce chantier d’évangile dont l’architecte est le Christ lui-même, en attendant la venue d’un bon contremaître, probablement avec crosse et mitre, et surtout en tenue de premier serviteur, au milieu de ses frères et sœurs déjà à l’œuvre. A l’œuvre, ça signifie avec beaucoup de zèle, mais aussi beaucoup de questions et même des soucis, par exemple pour la pastorale de proximité, pour l’avenir de la mission des prêtres, pour la juste considération du rôle indispensable des diacres et des laïcs, pour l’annonce de l’évangile à notre jeunesse, pour le soutien à nos familles si souvent éprouvées, pour la présence des chrétiens et chrétiennes au cœur des débats de société, tellement cruciaux, jusque dans les urnes. En un mot pour la coordination du travail apostolique sur le chantier ecclésial, de sorte que la bonne ambiance ouvrière soit toujours favorisée par la généreuse participation de tous, pas seulement dans ou autour des églises, mais sur les parvis, et jusque sur les places et dans les rues de notre société en quête de sens au milieu de ses drames et de ses succès.
Dans cet esprit, nous vous souhaitons, cher Monseigneur l’Administrateur diocésain, une bonne et sainte année, à votre personne, mais aussi à vos collaborateurs et collaboratrices. Et pour reprendre les vœux de l’apôtre Paul, toujours dans cette même épître aux Ephésiens : « Que le Seigneur, selon la richesse de sa gloire, nous arme de puissance par son Esprit pour que se fortifie en nous l’homme intérieur, que le Christ habite en nos cœurs par la foi et que nous soyons enracinés et fondés dans l’amour. »
Claude Ducarroz, prévôt et doyen
dimanche 2 janvier 2011
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