dimanche 27 février 2011

A l'occasion des 70 ans de mon frère Bernard

Homélie
8ème dimanche du temps ordinaire
A l’occasion des 70 ans de mon frère Bernard

Rien ne va plus ! faites vos jeux !

A observer l’actualité de notre monde, et même celle de notre Eglise, j’ai parfois l’impression de vivre dans un grand casino.

Rien ne va plus ! La crise est partout. La crise économique, la crise politique, la crise écologique, la crise du couple et de la famille, la crise dans l’Eglise. Et on pourrait allonger la liste. Beaucoup de médias -pas tous heureusement- rapportent surtout les mauvaises nouvelles, pourvu qu’elles soient croustillantes, avec un parfum de scandale qui aide à vendre le papier, les sons et les images.
Il faut cependant le reconnaître : il y a du juste dans la description de cette ambiance morose, parfois sinistre et même déprimante. Même dans l’Eglise, il arrive qu’on ne sache plus à quel saint se vouer.

Et voici que tout à coup, dans ce climat plus ou moins désespérant, éclate aujourd’hui une parole étrange, presque exotique, et même provocante, tellement elle semble aller à contre-courant de ce que nous vivons, traînons et souffrons.

« Pourquoi se faire tant de souci ? », nous dit Jésus, « tant de souci pour la nourriture, pour votre corps, au sujet des vêtements, pour demain ? »

Est-ce à dire que l’évangile prône l’insouciance, l’imprévoyance et finalement une paresse irresponsable qui nous transformeraient en hippies sous les cocotiers, sirotant avec flegme des versets d’évangile au goût de schwingum?

Sûrement pas. Ce que le Christ veut nous dire, c’est que, avec ou sans crise, il nous faut sans cesse refaire notre échelle des valeurs, vérifier la solidité de celles qui nous habitent et nous font courir, retrouver la bonne étoile dans notre ciel, surtout lorsqu’il fait nuit en nous et autour de nous. Nous avons tous besoin de repasser de temps en temps dans le scanner de l’évangile afin de discerner, avec une franche lucidité, ce qui est sain et saint, et regarder en face ce qui est nécrosé, infecté peut-être, voire pourri, et qui ne peut que nous rendre malheureux, en multipliant les malheureux autour de nous.

Même les grands saints savaient qu’il y avait, tapi au fond de leur cœur, des zones non encore irriguées par l’Esprit-Saint, qui risquaient toujours de dégénérer en maladies d’inhumanité.
Que dire alors de chacun de nous qui savons, par expérience, combien nous sommes faibles dans notre foi, fragiles dans notre espérance, laborieux dans la pratique de la charité ?

* Nous sommes dans un environnement qui nous pousse au matérialisme. Accueillons avec reconnaissance cet avertissement salutaire : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent ». Autrement dit, nous ne devons pas faire de l’argent, de la possession des biens matériels –toujours plus, et surtout plus que les autres- une divinité qui nous occupe et nous préoccupe tellement qu’elle finit par nous asservir. Et bonjour les dégâts !
* Nous sommes continuellement stimulés à miser sur le paraître, le superficiel, pour ne pas dire l’épidermique – en mettre plein la vue, dans l’habillé ou le déshabillé. C’est pour notre bien que le Seigneur nous incite à creuser dans l’être pour trouver les sources du vrai bonheur, même si nous avons des moyens réduits, si nous menons une vie simple, sans canoniser la misère évidemment.
Très concrètement, les textes de la liturgie nous invitent même à retrouver des chemins de joie qui me semblent profondément d’actualité. J’en souligne trois, qui me semblent convenir très bien à la circonstance qui nous rassemble aujourd’hui.

* « Regardez les oiseaux du ciel… observez les lis des champs.. » : sommes-nous encore capables d’admirer la nature, notre si belle nature dans notre pays, dans cette région, pour nous en réjouir, à condition de la respecter évidemment ? Il y a une juste écologie évangélique. Puissions-nous devenir de plus en plus des contemplatifs émerveillés !

* « Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le fruit de ses entrailles ? »
C’est l’appel à la tendresse, à l’affection gratuite, à la solidarité, ce qu’on appelle l’amour. Savons-nous encore nous aimer les uns les autres, dans les couples évidemment, dans nos familles, mais aussi dans nos communautés chrétiennes, dans nos cités, avec une ouverture sur le vaste monde, puisque la planète est devenue notre village ?

* Et puis « cherchez d’abord le royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». Où est la place de la spiritualité, de la prière, de l’évangile, finalement de la communion avec Dieu, lui est à la fois notre source maternelle par amour –moi, je ne t’oublierai jamais- et notre océan d’accueil au terme de notre vie, sans compter la boussole pour parcourir le difficile chemin entre le départ et l’arrivée ? Comme une mère, il ne peut nous oublier. Mais nous, nous l’oublions si souvent, n’est-ce pas ?
La beauté, l’amour, la vie spirituelle : voilà ce qui sauve et sauvera toujours le monde. Car finalement, la beauté, c’est Dieu, Dieu est Amour et son Esprit est notre meilleur compagnon de route, quoi qu’il nous arrive.

Je crois pouvoir dire que, chez nous, les paroliers, les compositeurs, les choristes, les musiciens sont vraiment les apôtres de ces valeurs-là. Ils ne sont pas seulement utiles, ils sont nécessaires, comme les fleurs des champs, comme la tendresse des mamans, comme la prière des croyants. On peut leur appliquer ce que disait l’apôtre Paul en pensant aux ministres de l’évangile dans les premières communautés chrétiennes : «Que l’on nous regarde comme les serviteurs du Christ et les intendants des mystères de Dieu. Et ce qu’on demande à de tels intendants, c’est de mériter confiance. »

Cher Bernard, chers artisans de la musique, du chant, de la communion humaniste, vous nos bienfaiteurs parce que les serviteurs et les servantes des plus beaux mystères : nous méritez plus que notre confiance, vous avez notre vive reconnaissance, vous pouvez compter sur notre amitié, nos encouragements et même notre admiration.
Je sais que vous faites tout cela dans un esprit d’humilité qui ajoute une valeur merveilleuse à ce que vous réalisez pour notre bonheur.
Plus précieuse encore que notre gratitude émue, c’est cette parole de l’apôtre Paul à la fin de la lecture tout à l’heure qui s’applique à vous : « La louange qui revient à chacun lui sera donnée par Dieu. »
Claude Ducarroz

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